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75 - Silence, on crie ! (3ème partie)

Publié le 27 août 2008 par Theophile
Immeublealaube Le souffle chaud qui vient de frôler ma joue, est suivi aussitôt d'une surdité soudaine, dont le bourdonnement est insupportable... Dans l'obscurité, les cris de ma mère ainsi que les miens ont l'air si lointain que l'impression du cauchemar est plus forte que celle de la réalité...
Ma mère, dans sa douleur et ses cris me serre de toutes ses forces contre elle...
Nous nous dirigeons vers la partie la plus éloignée de l'appartement pour échapper aux autres balles qu'il risque de tirer.
Ma mère telle une louve qui protège son petit, ne peut se décoller de moi. Elle marche dans l'appartement. Elle crie. Son cri. Ses mots, bientôt accompagnés des miens nous sont étrangers...
Oui. Etrangers... car c'est sans aucun doute la première fois depuis le début de notre histoire que nous les prononcerons autant de fois, avec autant de force et de pleurs.
La fenêtre du salon est grande ouverte maintenant... Du 8ème étage, à 5 heures et quelques minutes de ce matin de mai 1992, ma mère et moi nous adressons au monde.
Plus de téléphone, plus de honte. Juste la mort qui arrive et nous dit d'appeler au secours.
   - Au secours ! Au secours ! Il va nous tuer ! Appelez la police ! Je vous en supplie ! Au secours !
Nous appelons le monde pour qu'il nous tende la main. Une bonne fois pour toute. Sans doute la seule fois puisque la mort est à quelques mètres de nous. Peut-être à quelques minutes.
"L'autre", devant la porte de l'appartement continue de hurler tel un monstre meurtrier, prêt et formé pour le carnage...
Un second coup de fusil dans la porte.
Nos cris redoublent de terreur. Nous appelons à l'aide de toutes nos forces à s'en briser la voix...
Quelques lumières s'allument dans les immeubles en face du notre. Quelques têtes poussent délicatement les rideaux pour voir d'où viennent nos cris et s'ils ne font pas partie de leurs cauchemars...
La ville qui était encore endormie, s'éveille avec les rafales de ses balles et de nos cris...
Un troisième coup de fusil retentit, presque aussitôt que le précédent. Une folie meurtrière prête à tout.
Nous sommes coincés au huitième étage de cet immeuble avec un monstre à notre porte, muni d'un fusil qu'il utilise normalement pour ses loisirs de chasse.
Le cauchemar dure... les minutes nous paraissent des heures... longues, interminables. Il va bien finir par entrer. Voici trois coups de fusil dans la porte, sans doute ira-t-il plus loin. Nous continuons à appeler.
   - Appelez la police ! au secours !
Alors que "l'autre" continue ses hurlements, la voix d'un homme, calme, chaleureuse nous interpelle.
   - Madame... madame...
Nous regardons autour de nous, ce paysage urbain qui s'éveille de plus en plus, sans comprendre d'où vient cette voix.
   - Madame...
Nous nous penchons sur notre droite.
En contre-bas, au 6ème étage, un homme penche sa tête et nous fait signe.
   - Madame... j'ai appelé la police... ils arrivent...  Il y avait déjà une dizaine d'appels quand j'ai appelé...
Ma mère s'effondre en larmes.
   - Merci monsieur... merci... Merci...
Il est 5h12, c'est-à-dire cinq minutes après le premier coup de fusil, quatre véhicules de police se garent précipitamment en bas de notre immeuble.
Seulement cinq minutes...
Tout s'accélère.
Ma mère et moi sommes maintenant prostrés dans un coin de l'appartement. Accroupis. Pour nous faire le plus petits possible.
Terrorisés, nous attendons la fin.
(A suivre.)

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