Lu dans Strategies
La concurrence du Web n'a pas entamé leur crédit dans le monde du travail, selon une étude Euro RSCG C & O-CSA. L'adoption des codes de la presse grand public n'y est pas étrangère.
La concurrence du Web n'a pas entamé leur crédit dans le monde du travail, selon une étude Euro RSCG C & O-CSA. L'adoption des codes de la presse grand public n'y est pas étrangère.
Certains l'avaient enterré, mais il est bel et bien vivant. Selon une récente étude menée par Euro RSCG C & O en collaboration avec l'institut CSA, le journal interne reste très tendance. Le Web et ses avatars - 2.0 et réseaux sociaux en tête - sont loin de l'avoir fossilisé. Pas plus d'ailleurs que la thématique du développement durable, si chère à la communication des entreprises et dont le papier non recyclé est l'un des ennemis notoires. D'après cette enquête concernant quatre-vingt-dix journaux internes d'entreprises, tous secteurs confondus, les supports papier ont été conservés par la quasi-totalité de celles-ci. Mieux : le journal interne, ancêtre des supports de communication interne, représente pour les salariés français « celui qui contribue le plus efficacement à l'information d'entreprise », loin devant l'intranet, les syndicats et même les médias externes (lire encadré).
Un constat pour le moins surprenant. Les raisons de cet engouement retrouvé des salariés pour le support papier sont à chercher dans l'adoption des codes journalistiques de la presse. « Si les journaux internes ont retrouvé une légitimité et un territoire d'expression spécifique, c'est avant tout parce qu'ils se sont inspirés de la presse grand public », estime Corinne Cherqui, directrice associée chez Euro RSCG C & O et responsable de l'étude. Et d'évoquer « des couvertures aguicheuses, une omniprésence de l'image, de l'information brute donnant la primeur aux faits et des sujets à la mise en scène élaborée ».
De plus en plus de salariés proposent des sujets
Tous les directeurs de communication en conviennent : les journaux d'entreprise ont entamé depuis plusieurs années une mutation évidente. « Si l'on veut être consulté par les salariés, il n'y a pas d'autres choix que de se caler sur les médias qu'ils lisent en dehors des heures de travail », résume Christophe Lachnitt, directeur de la communication de DCNS (l'héritière de la Direction des constructions navales). Ainsi, Mariteam, le journal interne trimestriel adressé aux quelque 13 000 collaborateurs de l'entreprise, propose dorénavant des articles « moins longs et à entrées multiples » et ouvre ses pages à des intervenants extérieurs à l'entreprise.
« Outre l'apparition de nouvelles rubriques dans les journaux internes, l'écriture est moins linéaire et plus interactive, note Corinne Cherqui. On joue sur la proximité avec des anecdotes personnelles de collaborateurs et l'utilisation du « je » et du « nous » à la place du traditionnel discours d'entreprise. » Effet miroir de ces publications oblige, la part belle est plus que jamais donnée aux collaborateurs, via notamment des portraits où la qualité des photographies est particulièrement soignée. Le culte du moi et la téléréalité sont sans doute passés par là.
« Aujourd'hui dans l'entreprise, quel que soit le niveau hiérarchique ou le métier, chacun veut s'exprimer et être entendu », remarque Corinne Cherqui. Ainsi chez France Télécom, Christine Goavec, la directrice culture, changement et communication interne, constate que les salariés sont de plus en plus nombreux à proposer des sujets au magazine interne Connect, un trimestriel diffusé à 100 000 exemplaires. « Au point d'envisager de leur faire rédiger et signer eux-mêmes les papiers à l'avenir », glisse-t-elle.
Ce changement de forme avéré s'accompagne-t-il d'évolutions sur le fond ? « Contrairement aux médias numériques qui traitent de l'actualité chaude, notre bimensuel RATP quinzo privilégie la vision, l'analyse et la transversalité par la mise en avant des bonnes pratiques », relève Jean-Marc Bernardini, responsable de l'unité communication interne et managériale au sein de la direction de la communication de la RATP.
Problème : comme le révélait récemment une étude du cabinet Ecins (lire Stratégies n° 1471, page 66), les salariés sont toujours plus nombreux à considérer les informations délivrées dans les journaux internes comme peu fiables. « Toutes les entreprises sont aujourd'hui concernées par le même défi : ne plus faire de langue de bois », reconnaît Christophe Lachnitt. Y parviendront-elles ? « Dans les années à venir, on trouvera les mêmes infos dans la presse d'entreprise que dans les médias grand public », assure le directeur de la communication de DCNS. Souhaitons alors que ce soit bien la presse d'entreprise qui se sera rapprochée de la « grande presse », et non l'inverse...
Lionel Lévy