Les observateurs de notre vie politique ne manquent pas une occasion d'attribuer à Nicolas Sarkozy des intentions politiciennes. Les mesures qu'il prend seraient souvent conçues pour gêner, dérouter la gauche et le PS. On l'a beaucoup dit à propos de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Aujourd'hui même, ce mécanisme est évoqué par le Canard Enchaîné et Arthur Godhammer.
D'après l'hebdomadaire, Nicolas Sarkozy n'aurait imposé un vote a chambre après les débats sur l'Afghanisan que pour mieux piéger la gauche. "Si, aurait-il dit, le PS votre contre, il fera preuve d'un manque de solidarité avec nos soldats engagés en Afghanistan, et ce sera mal pris dans le pays. S'il vote pour, ce sera interprété comme un soutien à mon action."
Quant à Arthur Goldhammer, l'auteur d'un des blogs les plus intéressants sur la vie politique française, il salue l'habileté de la mesure qui consisterait à taxer les revenus du capital pour financer le RSA. "It is also, écrit-il, an incredibly astute political move as the Socialists maneuver in advance of their convention. It undercuts their most potent attack againstSarkozy, that the TEPA was a giveaway to the rich whose cost has hamstrung government action on other fronts. "
Dans tous ces cas, ce réflexe "politicien" est plausible. Pourtant, ces explications ne me paraissent jamais complètement satisfaisantes.
Nicolas Sarkozy a été élu dans des conditions telles, il dispose de telles majorités au Sénat et à l'Assemblée Nationale qu'il n'a pas besoin de piéger une opposition en lambeaux. A moins qu'il ne soit complètement obsédée par elle, il peut consacrer son temps à autre chose qu'à comploter avec ses conseillers dans l'ombre de l'Elysée contre un adversaire dont la presse dit chaque jour qu'il a la tête sous l'eau.
Il y a, de plus, à chaque fois un prix à payer. Le vote au Parlement va le forcer à réunir son camp plus divisé qu'on ne dit (voir, par exemple, la rapprochement effectué par Jean-Pierre Soisson entre les événements d'Afghanistan et la guerre d'Algérie). la taxation du patrimoine, même si elle est faible (on parle de 1%) va agacer tous ceux qui paient un impôt sur la fortune et, au delà, tous ceux qui possèdent quelques biens dont ils tirent des revenus.
On ne peut, enfin, exclure des dommages collatéraux : il n'est pas un spécialiste de la télévision qui ne parie sur une catastrophe si le projet de supprimer toute publicité sur les chaînes publiques est mené à son terme.
Ces décisions ont certainement été prises pour d'autres motifs, pour prouver que la révision constitutionnelle apportait plus de démocratie, pour résoudre la quadrature du cercle qu'était devenu le financement du RSA, pour aider Bouygues à sortir par le haut de l'audiovisuel pour mieux investir dans le nucléaire… La gêne créée pour l'opposition n'est qu'un bénéfice secondaire dont il aurait tort de se priver. Reste que l'insistance des observateurs renvoie à quelque chose de nouveau. Les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy savaient eux aussi profiter des bénéfices politiques secondaires de leurs actions. Mais ils évitaient de s'en vanter et interdisaient à leurs conseillers d'aller partout se féliciter du bon coup fait à l'opposition. Nicolas Sarkozy est tout simplement un peu plus cynique qu'eux.