L'homme occidental n'a conservé de ses mythes qu'une mémoire muséographique. Ils décorent son passé. Ils ne vivent plus consciemment en lui.
Pourtant, qu'il le veuille ou non, ces mythes fonctionnent toujours en lui au plan inconscient, comme l'atteste la psychologie des profondeurs de C.G. Jung.
Ils animent son psychisme et conditionnent sa psychologie individuelle et sociale, ses attentes et ses comportements, ses craintes et ses espoirs, sa sensibilité et son émotivité. Cela était encore culturellement évident en Europe jusqu'à la fin du XIXème siècle.
La première puis la seconde guerre mondiale ont donné un coup aux mythes, désignant peut-être certains comme dangereux. L'imagination créative, elle, a poursuivi son chemin, notamment avec les courants symbolistes, surréalistes...
Au-delà des temps, l'esprit conserve sa capacité d'appréhension symbolique, imaginaire et onirique, de laquelle est tissé le réel perçu.
Le compagnonnage et l'artisanat maintiennent encore autant qu'il est possible une tradition sensitive à la matière, à la forme, à la couleur, dont les interactions s'enracinent dans les plans symbolique, moral et spirituel.
L'ordre symbolico-sensitif s'incarne particulièrement dans l'art, qui possède le pouvoir d'influencer, en vue de les transformer, l'individu et la société. L'ambition de ces « voies » est de nous faire « voir » autrement. Elles nous donnent l'occasion de « devenir », donc de progresser.
Le domaine des mythes est issu du plan symbolique et sensitif, qui est celui où naissent les germes de la conscience spirituelle, de laquelle tout découle : vision du monde, attitude morale, image de soi, comportements sociaux.
A notre naissance, l'éducation et la culture nous livrent en quelque sorte un monde « clé en main ». Un monde organisé, traversé de systèmes de croyances plus ou moins cohérents.
Nous apprenons à y évoluer.
Nous adoptons une vision du monde, une attitude et une image de nous-mêmes tributaires de ce terreau-là. Ce faisant, nous ne sommes pas encore créateurs de conscience. Nous ne sommes pas fondamentalement auteurs de notre vie : nous sommes seulement les lecteurs plus ou moins avisés et diversement doués d'un livre écrit par d'autres avant nous.
La question n'est pas de réformer l'héritage du passé, de s'y opposer et de le révolutionner. La question est, au lieu de le copier mécaniquement, partiellement, voire de le mépriser, de le faire revivre en nous par le pouvoir de la conscience germinative et de l'imagination créatrice.