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Droit de séjour du conjoint: peu importe le flacon...

Publié le 28 août 2008 par Duncan
CJCE, Arrêt du 25 juillet 2008, Metock et al. Aff. C-127/08.
Arrêt intéressant rendu par la Cour qui semble aller très loin quant aux conditions auxquelles des droits peuvent être accordés au conjoint d'un citoyen de l'Union. En effet, il semble que les conditions d'entrée sur le territoire ne puisse être opposée à celui-ci. A l'heure où la politique migratoire européenne fait débat, voici un arrêt qui fera certainement grand bruit.
Les faits, qui concernaient plusieurs ressortissants africains, peuvent globalement être résumés ainsi: un citoyen africain et une citoyenne européenne se rencontrent et se marient en Irlande. Toutefois, l'époux a quant à lui vu sa demande d'asile, préalable au mariage, refusée et devrait être (ou a été) expulsé. Oui mais voilà, ayant entretemps obtenu le statut de conjoint de citoyen européen, il demande un titre de séjour sur cette base (voir, notamment, les articles 3, 5 et 7 de la directive 2004/38).
Deux questions étaient posées à la Cour:
  • Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si la directive 2004/38 s’oppose à la réglementation d’un État membre qui exige du ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union séjournant dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, d’avoir au préalable séjourné légalement dans un autre État membre avant son arrivée dans l’État membre d’accueil pour bénéficier des dispositions de cette directive.
  • Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si le conjoint d’un citoyen de l’Union qui a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre dont il n’a pas la nationalité, accompagne ou rejoint ce citoyen au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et, partant, bénéficie des dispositions de cette directive, indépendamment du lieu et de la date du mariage, ainsi que des circonstances dans lesquelles il est entré dans l’État membre d’accueil.

Sur la première question, la Cour constate que, s'agissant du conjoint, aucune disposition de la directive n'exige qucelui-ci ait séjourné légalement sur le territoire d'un etat membre au préalable. Le citoyen en tant que tel doit se rendre ou séjourner dans un autre Etat que celui de sa nationalité mais quant au conjoint, aucune condition de ce type n'existe.
Cette première réponse est donc attendue: "Dans ces conditions, la directive 2004/38 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à tout ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, qui accompagne ou rejoint le citoyen de l’Union dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, et lui confère des droits d’entrée et de séjour dans cet État membre, sans distinguer selon que ledit ressortissant d’un pays tiers a ou non déjà séjourné légalement dans un autre État membre".
Sur la seconde question, la Cour va loin. Car une chose est de dire que le conjoint ne doit pas forcément avoir séjourné sur le territoire d'un Etat membre légalement avant de pouvoir bénéficier des droits qu'il tire de la directive; une autre est de dire qu'aucune considération ne doit être faite aux conditions dans lesquelles le mariage a été conclu ainsi que les circonstances d'entrée sur le territoire.
Une interprétation téléologique de la directive pousse la Cour à adopter une interprétation large de la directive (points 82 et s.).
Premièrement, aucune disposition de la directive "n’exige que le citoyen de l’Union ait déjà fondé une famille au moment où il se déplace dans l’État membre d’accueil pour que les membres de sa famille, ressortissants de pays tiers, puissent bénéficier des droits institués par ladite directive". Autrement dit, le déplacement peut avoir lieu avant que la famille ne soit fondée, ce qui permet donc à l'épouse britannique de se rendre en Irlande afin de s'y marier. De la même manière, le conjoint peu, selon la Cour, "rejoindre ce citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, que ce dernier s’y soit établi avant ou après avoir fondé une famille". Le tourisme du mariage en quelque sorte...
Deuxièmement, quant aux limites, la Cour indique que "dès le moment où le ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, tire de la directive 2004/38 des droits d’entrée et de séjour dans l’État membre d’accueil, celui-ci ne peut restreindre ce droit que dans le respect des articles 27 et 35 de cette directive". Là est donc la seule possibilité pour les Etats d'intervenir: "Le respect dudit article 27 s’impose notamment lorsque l’État membre souhaite sanctionner le ressortissant d’un pays tiers pour être entré et/ou avoir séjourné sur son territoire en violation des règles nationales en matière d’immigration, avant de devenir membre de la famille d’un citoyen de l’Union. Toutefois, même si le comportement personnel de l’intéressé ne justifie pas l’adoption de mesures d’ordre public ou de sécurité publique, au sens de l’article 27 de la directive 2004/38, l’État membre reste en droit de prendre à son encontre d’autres sanctions non attentatoires à la liberté de circulation et de séjour, telle une amende, à condition qu’elles soient proportionnées" (points 96 et 97).
Enfin, la directive 2004/38 ne comporte aucune exigence quant au lieu où le mariage du citoyen de l’Union et du ressortissant d’un pays tiers est contracté.

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