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McCain et la politique extérieure

Publié le 20 août 2008 par Unmondelibre

Ted Carpenter et Malou Innocent, le 20 août 2008 - Un des thèmes favoris de John McCain durant sa campagne électorale est d’affirmer qu’il a beaucoup plus d’expérience en matière de politique extérieure que n’en a Barack Obama. McCain a désormais dirigé ses attaques contre les opinions d’Obama en la matière, en particulier le pessimisme de ce dernier quant à l’efficacité du renforcement des troupes US en Irak. Il est indéniable que Mccain a une expérience plus longue qu’Obama en matière de politique extérieure. Cependant, il n’est pas du tout évident que son jugement ici soit supérieur à celui d’Obama. Tout semble au contraire indiquer que le jugement de McCain est mauvais, et ce, de manière inquiétante. Même s’il on peut concéder qu’Obama a été excessivement négatif à l’égard des perspectives de succès du renforcement des troupes en Irak (mais ce sont les mois ou les années à venir qui permettront de trancher), les pronostics de McCain sur l’Irak ont été à plusieurs reprises à côté de la plaque.

Tout d’abord il n’a pas su anticiper le cours de la guerre : en tant que membre supérieur du Comité Sénatorial des Services Armés avant l’invasion, McCain prédisait à l’époque que l’Irak constituerait une victoire rapide et facile, et avait même déclaré sur MSNBC qu’il n’avait « aucun doute » que les troupes US « seraient accueillies en libérateurs ».Plus récemment, certains épisodes ont démontré que McCain semble méconnaître les faits les plus élémentaires en matière de politique extérieure. Au cours d’une interview récente sur CNN, McCain a déclaré que le renforcement des forces US en Irak, qui a commencé à l’automne 2007, avait mené à un réveil sunnite – qui avait en réalité commencé au début de l’automne 2006, soit des mois avant que ce renforcement soit annoncé.

Malgré ses multiples voyages en Irak , McCain continue toujours de mélanger les faits sur le terrain. En visite au Moyen-Orient au mois de mars, il a, de façon erronée, accusé l’Iran de soutenir Al Qaeda. Il s’est alors trouvé dans l’embarras face aux caméras quand son ami et collègue le sénateur Joe Lieberman l’a corrigé, expliquant alors que Téhéran soutenait les « extrémistes chiites » et non pas les fanatiques sunnites d’Al Qaeda. Et pourtant, au cours d’une audience du Sénat quelques semaines plus tard, McCain a commis une erreur du même type. Il a en effet demandé au Général David Petraeus de confirmer qu’Al Qaeda était bien plus qu’une « obscure secte chiite », puis se reprenant, a ajouté « ou sunnite, ou quoi que ce soit ». McCain n’est apparemment même pas certain de la position géographique de l’Irak. Il s’est en effet récemment exprimé sur la « frontière Irak-Pakistan », inexistante puisque les deux pays sont séparés par l’Iran.

Mais pires que ces embarrassantes erreurs factuelles, il y a ses commentaires impromptus – qui parfois manquent de goût et de tact – sur des sujets variés. Sa déclaration à l’emporte-pièce sur le fait de maintenir les troupes US en Irak pour une centaine d’années est probablement la bourde la moins grave de toute une série. Même si l’on met de côté le problème clé que l’Irak fragile n’a rien à voir avec la très stable Corée du Sud (qui représente pour McCain le modèle de la présence US étendue dans le temps), son commentaire était tout de même dommageable car il ignorait la réaction probable dans le monde musulman. Al Qaeda et d’autres groupes islamiques radicaux ont en effet régulièrement accusé les USA d’être déterminés à saper leur civilisation et à agir comme une hégémonie impérialiste dans la région. Le slogan de McCain sur « la centaine d’années en Irak » apporte ainsi de l’eau au moulin des Islamistes et met même les Musulmans modérés sur la défensive.

Mais cette déclaration ne représente pas grand-chose comparée à d’autres. La petite plaisanterie de McCain en avril 2007 à un meeting de campagne lorsqu’il a chanté « Bomb, bomb, bomb, bomb, bomb Iran » (« bombarder… l’Iran ») sur l’air bien connu de « Barbara Ann » des Beach boys, était au-delà du mauvais goût. Ce mois-ci, il a heurté à nouveau les sensibilités avec une plaisanterie sur le fait qu’en dépit des sanctions économiques, les ventes libres de cigarettes américaines à l’Iran constituaient sans doute une bonne chose puisque c’était là « peut-être une bonne façon de les tuer ».

Le sénateur a peut-être un sens de l’humour un peu particulier. Mais de telles erreurs trahissent surtout un manque de discernement. La politique extérieure est une chose sérieuse, et l’Amérique a besoin d’un président qui considère soigneusement ses commentaires. Le monde a en permanence les yeux ouverts et les oreilles à l’écoute, et de telles remarques irréfléchies peuvent ternir encore plus l’image déjà peu reluisante de l’Amérique.

Ted Carpenter et Malou Innocent sont analystes de politique extérieure au Cato Institute à Washington DC.


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