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Poker menteur autour du SDRIF ? ou quand « Madame Ferri » et le Secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale échangent des amabilités à l’université d’été du MEDEF…

Publié le 30 août 2008 par Jean-Paul Chapon

Retour dans le Grand-Paris en passant par la case MEDEF, ou plus exactement par l’université d’été du MEDEF. Ces journées d’été ont cette année pour thème Voir en Grand, avec de nombreux ateliers et tables rondes, et je dois avouer que la surprise est grande devant la richesse et la diversité des thèmes abordés. Un dernier point pour saluer l’initiative du MEDEF : les blogueurs invités pour la deuxième année, libres de participer ou non au « live blogging », d’assister aux ateliers de leur choix et de discuter avec les participants.

Tout commence par un rêve, dans ce débat sur les nouvelles mégapoles françaises*. Le modérateur demande en effet à Christian Blanc, le Secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale, et si vous aviez un rêve aujourd’hui ? Christian Blanc finit par répondre que oui, il a un rêve, il croit que Paris peut être une ville-monde, capitale de l’art de vivre, de l’intelligence, une intelligence généreuse et critique, une capitale de la connaissance, du respect des autres, de la capacité à admettre la diversité et la différence, une capitale de la beauté et « pour faire plaisir à Madame Ferri, une capitale où on respire un air pur ».

Et visiblement, ce sera le seul moment où Christian Blanc aura en tête l’idée de faire plaisir à Mireille Ferri la vice-présidente (les Verts) de la région Ile-de-France, cheville ouvrière de la révision du SDRIF, le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France. A Madame Ferri devrait-on écrire, car c’est ainsi que Christian Blanc l’appellera durant toute cette table ronde, alors que je n’ai pas eu l’impression qu’il donne du Monsieur Collomb au maire de Lyon, auquel il rendra d’ailleurs un chaleureux hommage, le faisant applaudir par la salle après une intervention de ce dernier.

Pourtant au début, tout était bien parti, courtoisement dirait-on. Christian Blanc évoque son travail avec la cinquantaine de personnes de son équipe, à partir de travaux et de documents « élaborés par la Région » derrière lesquels on croit reconnaître le SDRIF, et il répète une nouvelle fois que « d’ici la fin de l’année nous aurons des choses très concrètes à proposer », et que l’an prochain suivront d’autres propositions pour le développement de la région-capitale, y compris sur “sa gouvernance“. Donc rien de bien nouveau jusque là. Le débat fait ensuite le tour de chaque participant de la table ronde, avec des interventions fortes comme celles des maires socialistes de Lyon, Gérard Collomb et de Grenoble, Michel Destot, qui se font avec brio et conviction les hérauts du fait métropolitain, déclenchant à plusieurs reprises les applaudissements de l’assistance, une riche intervention aussi de Jean-Pierre Farandou* et de Pierre Mongin*, sur lesquelles je reviendrai dans une autre note, pour ne pas allonger celle-ci.

Vient le tour de Mireille Ferri, qui parle de la modification de la mobilité, de la crise énergétique, se demande comment y donner une réponse métropolitaine, affirme la nécessité de freiner l’étalement urbain, marque sa différence sur Métrophérique (à voir dans une prochaine note) et en guise de conclusion déclare que contrairement à ce que pense Christian Blanc, l’objectif de croissance de 2% par an pour l’Ile-de-France (après une moyenne de 1,7% par an sur les 20 dernières années) n’est pas « récessif ».

Nouveau tour de table, et réponse du berger à la bergère. Christian Blanc résume pour l’auditoire du MEDEF, peut-être moins familier avec les péripéties du SDRIF que l’étape suivante sera le 25 septembre prochain, jour où le document sera soumis au vote de l’assemblée régionale, document que l’exécutif dit avoir retravaillé depuis l’avis favorable de la commission de l’enquête publique en juin dernier, et pour lequel il affirme avoir une majorité. Restera ensuite à le transmettre à l’Etat qui n’aura qu’à le cosigner, avant transmission au Conseil d’Etat. Et là, Christian Blanc sans se départir de son calme, signale que pour lui, « il y a quelque chose qui ne va pas. Si cette procédure de mise devant le fait accompli continue, l’Etat n’approuvera pas le document. » Et de poursuivre, « si notre travail qui sera achevé à la fin de l’année comme contribution de l’un de deux partenaires n’est pas pris en compte, ça ne va pas. » Expliquant alors, « soyons clair, le document que Madame Ferri a pour l’essentiel piloté, avec talent, est un schéma d’intentions, avec une philosophie de développement durable, mais qui présente à nos yeux une grande difficulté, notamment il est insuffisant en terme de développement économique. Madame Ferri, comment voulez-vous que l’on approuve un document dont l’objectif est de faire 2% de croissance par an sur 20 ans ! » Le Secrétaire d’Etat parlera alors du développement des métropoles urbaines, moteurs de la croissance qui se caractérisent par une création de richesse supérieure aux moyennes nationales de leur pays. Pour lui, l’objectif serait que « Paris-Métropole ait un objectif de croissance deux fois supérieur à la moyenne nationale. » Et de conclure « il n’y aura pas d’intransigeance, car c’est tout à fait inacceptable, et certainement une grande majorité de l’Assemblée régionale sera d’accord pour regarder à nouveau la question de la croissance. » Bref, tout en saluant la qualité du travail du SDRIF, il demande à ce que le document soit enrichi du travail de ses équipes pour passer d’un « schéma d’intentions » à un « schéma directeur », et « s’il n’y a pas d’accord, Madame Ferri, ce sera non. Si c’est ce que vous cherchez, vous en porterez la responsabilité. »

Ambiance à la tribune de l’Université d’été du MEDEF, mais pour une fois qu’on n’est pas dans la langue de bois… Mireille Ferri passe alors à l’offensive, accusant Christian Blanc et l’Etat de ne pas répondre à ses invitations à travailler ensemble, notamment lorsqu’elle organise le 23 juillet un comité de pilotage, sur le SDRIF auquel le préfet de Région, représentant de l’Etat ne vient pas. « L’Etat ne s’est pas présenté » martèle Mireille Ferri, « nous avons écrit et nous sommes disponibles pour intégrer les propositions de l’Etat jusqu’à début septembre. » Et Mireille Ferri passe ajoute, « vous avez des rêves, mais ils sont un peu flous. » Et sur la croissance « nous ne sommes pas dans une économie planifiée, je ne sais pas décréter une croissance de 5% à la place de celle à 1,9 % que nous avons eue. » et elle demande “légèrement” énervée à Christian Blanc que ses propos aient un écho « loin de la caricature » qu’il fait et de « ses effets de tribune. » Re-ambiance…On sent que ça ne gaze pas à ce point entre Christian Blanc et Madame Ferri…

Il reviendra à Christian Blanc de conclure la table ronde, et ce sera pour lui l’occasion de rendre un hommage appuyé aux socialiste Gérard Collomb et Michel Destot en déclarant « Ils sont en France ceux qui ont le mieux compris comment il est possible de tirer vers le haut des notions de développement économique, social et de dignité sociale, environnemental » ; et revenant à la région-capitale, « tout n’est pas réglé », nous allons travailler pour présenter aux élus de la région «  et je suis persuadé que je peux faire confiance aux élus de droite, du centre et de gauche, et on pourra aller très loin, y compris avec Madame Ferri », qui cette fois n’apprécie pas le trait et se fâche.

Alors partie de poker menteur autour du SDRIF, avec un net raidissement des protagonistes au moment où les échéances se rapprochent ? Ou alors les lignes seraient-elles entrain de bouger, et assisterait-t-on comme le laisse entendre à demi-mot Christian Blanc à des changements de positions sur le SDRIF, passant d’un soutien sans faille relevant d’une étroite application de la discipline de groupe, à une attitude plus ouverte ou critique envers un document qui est loin de convaincre tout le monde, y compris à gauche (mais en général, ce ne sont que des commentaires off, à part quelques courageux élus). Christian Blanc expliquera encore après le débat ce qu’il reproche au SDRIF : “un document d’écologistes où la croissance est quelque chose que l’on subit » alors qu’il devrait être un document dans lequel on cherche à optimiser les atouts de la région pour aider le développement économique.

Paradoxalement le SDRIF, certainement un des sujets qui intéresse le moins le grand public qui l’ignore à peu près totalement, sera un des plus longs et vifs affrontement entre le gouvernement et la gauche. Et pour ajouter de l’huile sur le feu, la perspective des régionales n’arrange rien. A gauche, on est circonspect en attendant la fin des péripéties judiciaires du président de la région, Jean-Paul Huchon, et à droite, on se bouscule au portillon des candidatures, déjà trois ouvertement déclarées au sein du seul Gouvernement ;-) Alors comment interpréter ce débat, dans lequel la violence de l’affrontement avec Mireille Ferri contraste avec l’hommage rendu aux deux maires socialistes, symbole peut-être d’une communauté de vues, qui ne s’arrête peut-être pas aux élus de Rhône-Alpes ? Qui croire, lorsque l’une explique qu’elle a multiplié les invitations non répondues et que l’autre répond le contraire ?

Les colonnes de Paris est sa banlieue sont ouvertes et bientôt, Mireille Ferri devrait y préciser son point de vue, en attendant Christian Blanc ?

à suivre…

* Les nouvelles mégapoles françaises : du grand Paris, au grand Marseille, en passant par le grand Lyon, les grands Lille, Strasbourg, Toulouse…

Intervenants :
· Christian Blanc, secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région Capitale
· Patrick Blanc, chercheur au CNRS, inventeur du mur végétal
· Roland Castro, architecte-urbaniste
· Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon et président de la communauté urbaine de Lyon
· Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis
· Michel Destot, président de l’Association des maires des grandes villes de France et maire de Grenoble
· Jean-Pierre Farandou, directeur général et délégué de SNCF Proximité
· Mireille Ferri, vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France
· Jean-Michel Michaux, président de l’Institut Scientifique et Technique de l’Animal en Ville
· Pierre Mongin, président de la RATP
· Pierre Simon, président de la CCI de Paris
Animateur : Frédéric Ferrer, Maître de conférence à l’ESCP-EAP et journaliste radio-TV

Jean-Paul Chapon


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