Magazine Europe

Défi russe et Europe citoyenne

Publié le 30 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Samedi, 30 Août 2008 20:03  
Défi russe et Europe citoyenneL' Union européenne doit sortir du tunnel des idées figées
Par Jacques DEHAIRE
Penser l'Europe d'une manière nouvelle. En sortant des paradigmes stérilisants, des ornières des conformismes, es idées-réflexes. C'est que nous imposent les événements. Dans Le Monde de cette semaine, Thomas Ferenczi a le grand mérite de mettre en relief deux études de chercheurs appartenant à deux « laboratoires d'idées » L'European Council on Foreign Relations trace une piste intéressante pour redéfinir ou préciser la stratégie que l'Union européenne se doit de mettre au point face (ou avec) la Russie. La Fondation Madariaga fait des suggestions qui donneraient aux prochaines élections européennes une dimension nouvelle. Deux études qui valent d'être relayées. Surtout si l'on veut non seulment se libérer des vieilles idées, mais en trouver des nouvelles.Résumé commenté.
QUE FAIRE FACE A LA RUSSIE
« D'un côté, on évoque le double précédent tchécoslovaque : Munich en 1938 au temps d'Hitler, Prague en 1968 au temps de Brejnev. De l'autre, on juge que la Russie a des raisons de se sentir humiliée depuis la chute de l'URSS et que l'Europe doit la comprendre, non la provoquer. Il est difficile de trancher entre ces deux attitudes au regard de l'Histoire. La politique de l'apaisement, pratiquée à l'égard de l'Allemagne nazie, a donné les résultats que l'on sait. Mais le retour à la guerre froide n'apparaît pas non plus comme une voie raisonnable. Mieux vaut tenter de réfléchir en évitant de se référer à ces deux paradigmes. », rappelle Ferenczi
Nicu Popescu, Mark Leonard et Andrew Wilson, trois chercheurs d'un centre de recherche présent dans plusieurs capitales européennes, l'European Council on Foreign Relations, estiment qu'il est possible de définir une attitude commune à l'égard de la Russie qui refuse les solutions extrêmes d'un « partenariat inconditionnel » et d'une « action punitive ».
Dans leur étude, « L'Union européenne peut-elle gagner la paix en Géorgie ? », les auteurs invitent les Européens à affirmer plus fortement leur engagement dans la région. « La meilleure façon de maintenir la paix, écrivent-ils, est d'être présents plutôt que de rester sur le côté. »
L'UE, disent-ils, fait face à un grave dilemme. Elle ne peut pas ignorer l'invasion par la Russie d'un pays voisin, mais elle devra aussi coopérer avec Moscou pour stabiliser la région.
La Russie ne doit surtout pas penser qu'elle peut désormais agir impunément dans l'espace postsoviétique. Il est donc important de montrer qu'un « partenariat pour la modernisation » est incompatible avec des incursions militaires russes dans les pays voisins.
La réponse à ce défi, selon les trois chercheurs, est de renforcer la politique européenne dite de voisinage. C'est l'option que RELATIO-EUROPE préconisait bien avant l'été caucasien.
Cette politique a été lancée en 2004 par l'UE pour soutenir les réformes dans les pays situés à ses frontières et favoriser la stabilité régionale par le développement économique. Mais elle n'a pas été menée avec le doigté exigé par la situation effective. Sans doute parce que la confusion a été trop entretenue entre les intérêts de l'Union européenne et ceux de l'OTAN. C'est ce qui fait que, « comme on pouvait s'y attendre, la Russie a mal accueilli cette intervention dans ce qu'elle considère comme son propre voisinage »
En ce qui concerne la Géorgie, le rapport de la Commission d'vril dernier n'a pas été pris suffisamment en considération. Ministres et ...Géorgiens ont retenu les aspects positifs des évolutions géorgiennes (« un bon départ dans l'exécution du plan d'action de 2006 »). Mais une mise en garde aurait dû être plus prise au sérieux : La Commission insistait sur la nécessité de « rétablir un niveau minimum de confiance entre les parties » afin de prévenir un nouveau déclenchement des hostilités et de faciliter la reprise de négociations de paix en Abkhazie comme en Ossétie du Sud...
Si l'union disposait d'une vraie force diplomatique, c'est à ce niveau qu'elle aurait dû intervenir. Le Conseil de l'Europe aussi avait fait des recommandations dans ce sens sans être suffisamment écouté. Dommage. Trop tard pour les regrets, pas pour tirer des leçons !
Ferenczi exlique : « Il est clair que cette stratégie n'a pas permis de résoudre la question des deux provinces séparatistes ni de dissuader la Russie d'accentuer son emprise. La politique européenne de voisinage est conçue pour atteindre des objectifs à long terme, mais à court terme, constatent les chercheurs cités, elle n'apparaît pas en phase avec les réalités du terrain. L'Union européenne a sans doute sous-estimé les effets de la proclamation d'indépendance du Kosovo. Elle a surtout accepté que les forces de maintien de la paix dans les provinces séparatistes soient dominées par les Russes. Elle a eu le tort, par crainte d'irriter Moscou, de se tenir à l'écart. « Son plus grand échec, selon les auteurs, est d'avoir renoncé à envoyer des personnels sur le terrain. »
Ferenczi cite également un autre chercheur, Tomas Valasek, spécialiste des questions de politique étrangère et de défense au Centre for European Reform, un cercle de réflexion londonien. Il appelle lui aussi les Européens à s'impliquer davantage dans cette région. Dans sa note, intitulée « Que signifie la guerre en Géorgie pour la politique étrangère de l'UE ? », l'analyste estime que l'Europe devrait prendre une part plus active aux efforts de règlement des « conflits gelés » et « accélérer l'intégration européenne des pays situés entre l'UE et la Russie », c'est-à-dire d'abord l'Ukraine. Mais là encore les confusions entre OTAN et Union ne favorisent pas les actions qui s'imposeraient.
Ce qui importe , c'est que ce type de problèmes soit au cœur de la prochaine élection dite « européenne ». Mais la préparation des futures élections du Parlement européen est déjà dominée par des soucis de politique intérieure. Ce qui est un détournement de sens du scrutin !
DE GRANDS CHOIX CITOYENS
Thomas Ferenczi le rappelle : « Les élections au Parlement européen sont, en dehors des référendums, la seule occasion donnée aux citoyens, dans tous les pays de l'Union, de donner directement leur avis sur les questions européennes. S'il est vrai que les scrutins sont souvent dominés par les enjeux nationaux, une chance est offerte aux partis politiques d'ouvrir un vaste débat sur l'état de l'Europe et d'y associer les opinions publiques. En France comme ailleurs, la préparation des élections de juin 2009 a déjà commencé. C'est aussi en 2009 que sera désigné le nouveau président de la Commission. Pourquoi ne pas se saisir de ce double événement pour tenter de combler enfin le "déficit démocratique" dont souffre, de l'avis général, l'Union européenne ? »

C'est dans cette optique que la Fondation Madariaga, qui porte le nom de l'Espagnol Salvador de Madariaga, ancien ministre républicain des années 1930 devenu diplomate, essayiste et cofondateur du collège d'Europe à Bruges, suggère d'établir un lien direct entre l'élection des parlementaires européens et la désignation du président de la Commission.
« Autrement dit, souligne Ferenczi, la campagne porterait simultanément sur le choix des politiques européennes et sur le nom de celui qui serait appelé à les mettre en oeuvre pendant les cinq années à venir. »
L'idée n'est pas nouvelle. Elle a été défendue voilà dix ans par Jacques Delors. Mais la Fondation Madariaga, dont le président est Javier Solana, haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, et le directeur exécutif Pierre Defraigne, ancien haut fonctionnaire à la Commission, s'efforce d'en définir les possibles modalités pratiques.
Ferenczi résume : « Dans un premier temps, chacune des grandes familles politiques organiserait des primaires en son sein, à l'échelle de l'Union. Selon la Fondation Madariaga, les primaires américaines, qui ont mobilisé les opinions pendant des mois, peuvent servir d'exemple aux Européens. Comme le Parti démocrate et le Parti républicain le font aux Etats-Unis, les partis européens transnationaux seraient invités à porter sur la place publique leurs controverses internes afin de désigner leurs chefs de file avant que ne s'ouvre la campagne proprement dite. La discussion sur les enjeux européens échapperait ainsi au confort du consensus feutré pour acquérir plus de force et de visibilité.
Dans un deuxième temps, celui de la bataille électorale, les candidats à la présidence de la Commission s'affronteraient, programme contre programme, dans le cadre de la campagne pour l'élection du Parlement »
Jacques Delors avançait en 1998 des arguments que nombre de parlementaires européens (tel Spinelli) ont avancées (en vain) depuis... 1979 . « Le débat politique autour du futur président de la Commission serait ainsi l'un des grands enjeux de la campagne électorale, avec une vraie dimension européenne », soulignait Jacques Delors en 1998.
Ferenczi ne se montre pas optimiste. Il a raison ; « Il est peu probable que les partis politiques soient prêts aujourd'hui à se lancer dans cette aventure. Pourtant ce serait un bon moyen de revigorer la démocratie européenne ».
Nous pourrions même aller plus loin dans l'optique d'une ratification du traité de Lisbonne. En faisant pré-élire selon les mêmes modalités le Monsieur (ou la Madame) Conseil de l'Union, le Monsieur Diplomatie européenne voire le Monsieur ou la Madame Eurogroupe...

Mais au fait, cela ne serait-il pas possible , même sans nouveau traité ? Rien dans les textes ne l'autorise, mais rien ne l'interdit...si un accord à l'unanimité des 27 se scellait en Conseil européen. Nos juristes auraient un joli terrain de jeux pour trouver des solutions. Ce serait une belle avancée de l'Europe citoyenne, non ?
Jacques DEHAIRE


Commentaires (0)
Add Comment

Retour à La Une de Logo Paperblog