C'est une expérience commune de chercher ses mots, et finalement de convenir qu'il n'y en a pas pour dire ce que l'on ressent. Pour Bergson, cela montre bien que "la pensée demeure incommensurable avec le langage".
En effet, le langage a selon lui une fonction essentiellement sociale et utilitaire, qui est d'identifier et de communiquer ce qui, dans le réel, relève du général et du répétitif. Bref, en nommant des classes d'objets, le langage facilite l'action des hommes sur le monde.
Mais il va alors séparer ce qui, en réalité, ne l'est pas. Il va notamment briser la continuité infiniment nuancée de notre vie intérieure, en y distinguant des états par l'artifice de quelques mots juxtaposés comme des objets dans l'espace.
C'est pourquoi le langage échoue toujours à saisir la mouvante originalité du réel comme de toute vie intérieure. D'où vient cet échec, sinon de ce que, selon Bergson, la réalité ne peut être saisie que directement, dans le silence de l'intuitionineffable ? Si donc Bergson privilégie la pensée intuitive, c'est qu'il assimile la pensée à l'ensemble de la vie intérieure