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Passion Simple

Publié le 31 août 2008 par Tatiana Yansor

On se souvient du séisme Bouraoui dès son premier livre,
la Voyeuse Interdite (1991, Folio). Prix du Livre Inter pour une romancière de 24 ans au visage d'ange et à la plume d'une noirceur exceptionnelle. Ont suivi deux romans tout aussi glauques : Poing Mort (Gallimard, 1992), l'histoire d'une gardienne de cimetière et Le Bal des Murènes, (Fayard 1996), que la romancière avoue ne plus pouvoir relire tant il est violent. C'est avec Garçon Manqué, (Stock, 2000) que Nina Bouraoui aborde de façon " perso " ses thèmes de prédilection : les femmes, l'homosexualité, l'écriture, l'Algérie. La vie Heureuse (Stock 2002) exploite cette veine, comme Poupée Bella (Stock 2004), journal intime sentimental. Le Renaudot lui est discerné avec Mes Mauvaises Pensées (Stock 2005), une sorte de thérapie littéraire, décousue pour certains, brillante pour d'autres.
Avec Appelez moi par mon prénom, elle avoue avoir voulu un vrai roman d'amour, de facture classique, conjugué à l'imparfait. On s'interroge. N'a-t-elle pas déjà tant écrit sur l'amour, les nuits, le désir, avec ce panachage de brutalité et de douceur, cette écriture urgente, saccadée, toujours au présent, qui la caractérise ? Contre toute attente, le onzième livre de Nina Bouraoui, la passion simple, voire banale, entre une romancière et un lecteur plus jeune, est surprenant de poésie. Comme si elle avait appuyé sur la touche " pause " de sa fébrilité antérieure. Comme si elle ne voulait plus secouer son lecteur comme un prunier mais plutôt le prendre par la main. Comme si quelque chose en elle s'était apaisé. Lentement, subtilement, Nina Bouraoui décrit l'amour qui glisse dans deux vies et chamboule tout. La rencontre, l'attente, l'espoir, la peur, la première fois, le plaisir, la joie. Les emails de son amant que la narratrice attend comme des baisers. Cliché ? Qu'importe. L'émotion est là. Elle fait vibrer par des détails intimes qui font écho en nous. Si ce classicisme inattendu risque de désarçonner ses aficionados accros à une prose plus hard, il envoutera sans peine les grands romantiques.
Tatiana de Rosnay/JDD du 31/8/08
Appelez-moi par mon prénom
Par Nina Bouraoui
Stock, 112 pages, 14,40€


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