Ah, le Pass Culture, ce dispositif qu'Emmanuel Macron avait brandi en étendard comme une révolution culturelle pour notre jeunesse. Une carte magique, 300 euros à dépenser comme bon vous semble, sous prétexte d'éveiller les ados à l' art, au théâtre, à la littérature... Sauf que dans la réalité, c'est un peu comme offrir une clé d'or pour ouvrir un coffre vide.
La Cour des comptes vient de publier un bilan cinglant sur ce fameux Pass, et autant vous dire qu'on n'est pas à une claque près. Ce projet, censé égaliser les chances et combler les fossés culturels entre jeunes de classes sociales différentes, s'avère être une autre coquille vide, symbole d'une conception marchande de la culture.
Un supermarché de la "culture"
Avec le Pass Culture, le message envoyé aux jeunes est clair : consommez ! Pas question de réfléchir, d'apprendre ou de découvrir. Non, l'idée, c'est d'acheter. Livres, places de concert, cours de guitare, voire... des jeux vidéo. Parce que, oui, pourquoi pas ? Quand on parle de culture, qui a dit qu'on ne pouvait pas y glisser une manette ?
Et c'est là le problème : au lieu de s'inscrire dans une démarche éducative ou d'ouverture, le Pass Culture n'a fait qu'encourager les adolescents à poursuivre leurs pratiques existantes. Les enfants de prolos ? Ils ont acheté des jeux vidéo et des albums de rap, souvent téléchargés en ligne. Les enfants de bourgeois, eux, ont opté pour des places de théâtre, d'opéra ou des abonnements à des cours d' art plastique. Et voilà ! Le fossé culturel, loin de se combler, s'est creusé un peu plus.
Une "culture" sans vision
Le problème fondamental, c'est que le Pass Culture n'a aucune finalité pédagogique. Pas de vision claire, pas d'objectif défini. Ce n'est pas une porte ouverte sur de nouveaux horizons, mais une enveloppe budgétaire à dépenser selon des envies déjà conditionnées par l'environnement social. En d'autres termes, le Pass n'a jamais cherché à bousculer les inégalités liées au capital culturel.
Si l'on avait réellement voulu faire découvrir autre chose aux jeunes, pourquoi ne pas les accompagner ? Proposer des programmes, organiser des sorties ou des ateliers ? Pourquoi ne pas orienter leur curiosité au lieu de leur dire : " Tiens, prends ça et fais ce que tu veux " ?
La culture selon Macron : achetez, consommez, dépensez
Et là, on touche à quelque chose d'encore plus cynique. La vision macronienne de la culture, c'est celle d'un supermarché géant. Acheter des places de cinéma, des livres ou des jeux vidéo devient un acte culturel, peu importe ce que vous en faites. Le geste d'achat suffit, l'expérience intellectuelle ou émotionnelle, elle, passe au second plan.
D'ailleurs, il serait peut-être temps d'arrêter de faire semblant : ce n'est pas une politique culturelle, c'est une politique économique déguisée. Sous prétexte de rendre la culture accessible, on a subventionné l'industrie culturelle et les plateformes marchandes.
Une occasion manquée (de plus)
Ce qui est rageant, c'est que l'idée, à la base, n'était pas mauvaise. Donner un coup de pouce aux jeunes pour qu'ils découvrent des univers qu'ils n'auraient jamais explorés seuls, c'était noble sur le papier. Mais encore aurait-il fallu structurer le projet, réfléchir à son impact.
Au lieu de cela, on a juste laissé les jeunes livrés à eux-mêmes, en comptant sur leur " instinct culturel". Sauf que cet instinct est façonné par leur milieu social. Ce n'est pas un hasard si le fossé culturel entre classes populaires et classes aisées reste béant. Ce n'est pas juste une question de goût : c'est une question de construction sociale. Et sur ce point, le Pass Culture est passé complètement à côté.
La culture, une histoire de capital
Les sociologues comme Bourdieu l'ont pourtant démontré : la culture est un capital. Ce qu'on consomme en dit long sur notre position sociale. Sans accompagnement ni pédagogie, on ne fait que reproduire les inégalités existantes.
Avec ce Pass, l'État aurait pu jouer un rôle d'éclaireur, proposer un pont entre des mondes culturels différents. Au lieu de cela, il a juste financé la continuité : les jeunes aisés se sont confortés dans leurs pratiques élitistes, les jeunes populaires ont poursuivi les leurs. Tout le monde est resté dans sa case. Bravo, mission accomplie.
Et maintenant ?
Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On continue à se gargariser d'avoir rendu la culture "accessible" ? Ou on se pose enfin les bonnes questions ? La culture, ce n'est pas juste consommer. C'est découvrir, comprendre, s'émouvoir, réfléchir. Ce n'est pas un produit, c'est une expérience. Et cette expérience, elle ne peut pas se résumer à un budget de 300 euros dépensé en ligne.
Peut-être que la vraie question, ce n'est pas ce que les jeunes achètent, mais ce qu'ils retiennent. Et sur ce terrain-là, le Pass Culture semble avoir raté la cible. Comme d'habitude.
Bilan de la cour des comptes : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/premier-bilan-du-pass-cultureAngry Mum, maman active, maman geek et toujours à l'écoute d'Internet... Elle adore les vacances mais pas toujours les vacances scolaires ! Blogueuse depuis 2013. S'abonner à Angry Mum sur Google News