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Immobilier: une baisse en trompe l'oeil faute de vraie réforme foncière

Publié le 11 août 2008 par Objectifliberte

Logement Il aura suffi d'une hausse légère des taux d'intérêts des prêts immobiliers et d'une sévérité accrue des prêteurs (8% des dossiers rejetés au lieu de 3%, selon le courtier meilleurtaux.com ), pour réduire la demande globale de logement d'environ 1/5ème, selon diverses sources immobilières, et de fait, engendrer un mouvement - encore léger - de baisse du marché français, que la hausse totalement déconnectée du revenu des ménages du début de la décennie avait rendu inévitable.

Nombreux sont ceux qui parlent de "crise de l'immobilier". Première nouvelle. L'immobilier, parce qu'il est à la fois placement et bien de consommation, suscite parfois des analyses économiques...  surprenantes. En tout cas, c'est le seul secteur d'activité dans lequel l'on parle de « crise » quand les prix baissent. En général, c'est plutôt la hausse des prix qui pose des problèmes aux ménages consommateurs, comme on le voit dans le domaine des transports ou de l'alimentation.

Si aujourd'hui, plus de 4 ménages sur 5 disposent d'un lecteur de DVD, c'est parce que le prix de cet article est passé de 300 euros et plus il y 10 ans à moins de 50 euros pour un matériel premier prix aujourd'hui. Idem pour tous les produits d'électronique grand public : personne ne parle de crise dans ce secteur. Au contraire, toute baisse de prix d'un produit de grande consommation est perçue comme une bonne nouvelle, et cela n'empêche pas les entreprises opérant sur ce secteur d'être profitables.

Bien que  la baisse du prix du logement puisse être dommageable pour les offreurs qui ont mal évalué l'état du marché, elle est a priori profitable aux nouveaux acheteurs ou aux locataires, ce qui est bon pour le pouvoir d'achat... Et donc pour l'économie générale.

Hélas, les conditions dans lesquelles se produit cette baisse sont de nature à tempérer cet optimisme.

Une baisse conjoncturelle, pas structurelle

En effet, la présente baisse n'est liée qu'à une baisse de solvabilité de la demande. Moins de capacité d'emprunt, moins d'investissement dans la pierre, baisse des prix... Cette baisse ne se traduira donc pas, dans l'immédiat, par une capacité plus grande des ménages à accéder à la propriété, en tant qu'occupant ou qu'investisseur, la baisse de la pierre étant compensée par la hausse du coût du financement. Et la baisse des loyers sera vite tempérée par la faiblesse de l'offre dans les grandes villes les plus tendues, qui regroupent la majorité des ménages ayant des difficultés à se loger. Seules un certain nombre de villes moyennes, où les primes fiscales de type  Robien ont provoqué un mal investissement notable, verront leurs prix durablement détendus. Seul problème, ce n'est pas forcément dans ces villes que les besoins de logement seront les plus importants dans les années à venir. Les projections démographiques, que ce soient les miennes (exposées dans mon livre), ou celles du Crédit Foncier, évoquent un besoin de nouveaux logements au moins égal à 500 000 par an jusqu'en 2015-2020 pour résorber l'actuel pénurie. Or, avec un pic à 430 000 mises en chantier au plus fort de la bulle, lesquelles se sont fortement ralenties depuis, on est très loin du compte.

Et dès que la conjoncture macro-économique se retournera, ce qui finira par arriver, et qu'à nouveau une demande soutenue remplira les agences et les bureaux de vente des promoteurs, alors une nouvelle bulle se formera, car aucun des fondamentaux qui empêchent l'offre de logement de s'adapter  en période de forte demande n'aura évolué par rapport à la situation actuelle: Tout d'abord, la sur-protection des locataires et les contrôles de loyers dissuaderont toujours les particuliers, et plus encore les investisseurs institutionnels, d'investir dans le locatif, ce qui multipliera les situation insatisfaisantes vis à vis du logement (colocation subie, logement trop petit, insalubre, logement de fortune, trottoir...).

Ensuite, et surtout, faute du moindre assouplissement de nos règles malthusiennes d'urbanisme, les prix du foncier recommenceront à grimper à des niveaux insupportables, provoquant une hausse démesurée du neuf comme de l'ancien, et écartant les classes moyennes basses et les recalés de la file d'attente du logement social  de toute solution de logement acceptable.

Le gouvernement aurait tort de croire que la baisse conjoncturelle du logement va l'aider à résoudre   les problèmes de logement que rencontrent les moins fortunés, et qu'il n'a qu'à attendre que cela se passe, en jetant un peu de poudre aux yeux du public pour faire croire qu'il agit. Tout plan en faveur du logement, c'est à dire en faveur des consommateurs de logement, devrait s'attacher à permettre de retrouver un marché durablement bon marché, c'est à dire où les transactions moyennes se négocient à moins de trois fois le revenu moyen de la zone considérée, même lorsque la solvabilité des ménages augmente.

Impossible, voire utopique ? Certainement pas ! En fait, la plupart des agglomérations en très forte croissance démographique de la Middle America (Houston, Atlanta, Dallas, principalement), malgré des niveaux de demande inconnus du reste de l'Amérique du Nord, et des conditions macro-économiques strictement identiques à celles du reste du monde, ont réussi à conserver des marchés immobiliers abordables (prix moyen < 3 fois le revenu moyen des ménages), contrairement à des états comme la Californie, la Floride, et les « vieux » états du Nord Est. Ces agglomérations connaissent comme les autres une crise du Subprime (les excès de la machine à crédit y ont été les même qu'ailleurs) mais les taux de défaillance et les montants des crédits en défaut y sont nettement moins élevés que dans les états les plus chers.

Leur secret ? Une réglementation des sols très souple, pouvant aller jusqu'à l'absence de plan d'occupation des sols (Houston), dont l'objectif premier est de maintenir un large excès de terrain constructible par rapport à la demande de logement. Les ménages modestes, qui bénéficient de logements d'occasion de bonne qualité à des prix défiant toute concurrence, tant à l'achat qu'en location, et les créateurs d'entreprises, qui ont besoin de surfaces à prix abordables, sont les principaux bénéficiaires de cette souplesse. Et les nombreux quartiers développés sous maîtrise d'ouvrage le plus souvent intégralement privée tendent à rivaliser en terme de qualité de construction et d'aménagement des abords, pour trouver une clientèle qui peut très facilement trouver mieux ailleurs si un produit ne convient pas.

Là bas, nul besoin de dilapider des milliards pris aux contribuables pour arriver à loger les familles modestes, ou plutôt, s'agissant de chez nous, pour ne pas arriver à les loger. Les victimes du cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans ne s'y sont pas trompées: elles ont en très grand nombre choisi Houston pour reconstruire leur vie, parfois définitivement, tant l'immobilier abordable et l'économie foisonnante y créent des opportunités.

Contrairement à ce que certains voudraient bien nous faire croire, un marché du logement où les prix restent faibles lorsque la demande est vigoureuse n'est pas une utopie, mais une réelle possibilité, à condition que les règlementations étatiques frappant le foncier ou le bâti ne provoquent pas de fluctuations artificielles des valeurs en fonction de la solvabilité de la demande. La France ne résoudra pas durablement ses problèmes de logement sans une réforme de sa  réglementation foncière allant dans le sens d'une bien plus grande liberté d'usage des terrains.  Sans cela, la baisse actuelle ne sera qu'une brève accalmie avant la prochaine tempête sur les prix du logement, qui fera encore sombrer la galère de bien des ménages modestes et moyens. 
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