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Economie américaine: mauvaise turbulence ou dépression profonde ?

Publié le 30 juillet 2008 par Objectifliberte

Je ne goûte guère, habituellement, au chant des Cassandre qui prédisent un désastre à chaque signe de ralentissement de la croissance américaine, et qui sont à chaque fois démentis par la reprise généralement vigoureuse qui suit quelques turbulences.

Ceci dit, ni la conjoncture actuelle ni les événements géo-économiques envisageables à court et moyen terme ne me rendent optimiste pour les 12 mois à venir, malgré tout. Le tout est de savoir si, une fois passée cette période difficile qui me paraît difficilement évitable, l'économie américaine peut rebondir, ou si nous risquons au contraire de rencontrer un épisode dépressif de longue durée de la première économie mondiale, comparable à ce qu'elle a connu dans les années 70.

La période actuelle est marquée par un fort resserrement du crédit des banques américaines aux entreprises, resserrement dont tout laisse à croire qu'il va se poursuivre tant que les banques n'auront pas expurgé de leurs bilans toutes les pertes liées à la crise immobilière.  En soi, l'événement n'est pas si rare: une telle contraction des volumes prêtés s'était produite en 2001, et le niveau des prêts aux entreprises US n'avait retrouvé son niveau du tournant du siècle qu'en 2005 (cf. graphe). Cela n'avait pas empêché l'économie américaine, malgré le krach des dotcoms, et l'atonie économique de l'après 11 septembre, de retrouver toute sa vigueur dès 2003.

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© NY Times

En effet, les entreprises qui investissent ont besoin d'argent, et disposent de deux sources de financement possible: le crédit et la capital. La sagesse veut que si les conditions du crédit accessible aux entreprises se détériorent, un gouvernement avisé doit faciliter l'accès au capital, notamment en réduisant les freins fiscaux à l'investissement, afin d'en abaisser le coût.

C'est exactement ce qu'a fait le gouvernement Bush en 2003.  A l'époque, il a promulgué une coupe franche sur les impôts frappant les plus values et les revenus du capital. Cela a renforcé l'appétit d'investissement des américains aisés, et a permis aux entreprises de surmonter sans trop de mal l'accroissement de la prudence bancaire observable alors, vis à vis des entreprises du moins.

Malheureusement, pour obtenir le vote d'une telle mesure au congrès, compte tenu du contexte politique de l'époque, G.W.Bush a du accepter que ces réductions d'impôts soient réexaminées par le congrès d'ici 2011. Or, ni B. Obama, ni, et c'est plus décevant, J. McCain, ne semblent prêts à accepter leur pérennisation.

D'autre part, afin sans doute de susciter une certaine docilité des deux chambres vis à vis de ses choix de politique étrangère, l'administration Bush a arrosé sans compter de subventions les états fédérés, finançant nombre de projets d'intérêt douteux, pour ne pas dire des éléphants blancs, par le biais de dépenses dites "discrétionnaires" en direction des collectivités. Ces dépenses, appelés avec mépris "pork barrel spending" par leurs critiques, ont contribué, bien plus que l'aventure irakienne, à dégrader considérablement l'équilibre budgétaire fédéral. Si on ajoute que, comme chez nous, l'accroissement très probable des dépenses publiques d'assurance Maladie (programme Medicare pour les personnes âgées) et du régime général de retraites par répartition posent à long terme  une hypothèque non résolue à ce jour pour le département du trésor, on peut s'inquiéter légitimement sur la durabilité des baisses d'impôts du début du millénaire.

Au contraire, Barak Obama évoque une forte augmentation des fiscalités marginales, et John McCain, au mieux, ne parle que de stabilité. Les deux parlementaires ont voté avec la majorité en faveur du « Housing Bill » de plus de 300 milliards supposé sauver le système bancaire US de la faillite, et pour cela, ont accepté de relever de... 800 milliards de dollars le plafond de dette admissible, en prévision des coûts à long termes induits par ce sauvetage. Bref, pas de réduction des dépenses en vue ! Ni de nouvelles réductions d'impôts, ni même le maintien en l'état des exonérations « Bush », ne paraissent probables.

Parallèlement, les négociations de l'OMC pour réduire les barrières douanières à la circulation de nombreux biens  entre différentes zones économiques sont au point mort après l'échec genevois. Si la situation reste en l'état, ce ne sera pas dramatique, le commerce mondial, à défaut d'être libre, s'est tout de même bien ouvert depuis 30 années. Mais l'on peut craindre un raidissement protectionniste unilatéral de certains grands acteurs de l'économie mondiale, et notamment... des USA, de nombreux démocrates, dont M. Obama, ayant soutenu des positions anti libre échange au congrès.

Naturellement, le pire n'est jamais certain, mais tout repli protectionniste de l'économie américaine pourrait avoir, toutes proportions gardées, des effets économiques comparables au désastreux Smoot-Hawley Act de 1930, lequel avait littéralement castré le commerce international alors que les entreprises faisaient face à une conjoncture monétaire difficile depuis 1929, ce qui avait contribué à enfoncer le monde dans la plus longue crise économique qu'il ait connu à l'ère moderne.

Dans ces conditions, n'y a-t-il pas quelques raisons d'espérer un rebond de l'économie américaine ?

Certes, il y en à. La faiblesse du Dollar rend l'investissement direct aux USA très intéressant. De nombreux industriels européens et asiatiques ont annoncé des projets importants outre-Atlantique. Le temps que ces investissements produisent leurs fruits, et l'économie américaine pourrait trouver là le carburant nécessaire pour financer son redémarrage, à condition toutefois que l'investissement privé intérieur, toujours beaucoup plus important en masse, prenne le relais par la suite. Cela suppose soit que les banques aient réussi à éponger leurs pertes et retrouvent des marges de manoeuvre en terme d'ouverture de crédits, soit que les barrières réglementaires ou fiscales auxquelles font face les petits et moyens entrepreneurs n'aient pas été relevées, et donc que la folie dépensière de l'état fédéral ait été calmée. Auquel cas le fort coup de vent que l'économie américaine traverse ne sera qu'une mauvaise tempête avant un redémarrage, selon le scénario habituel.

Mais que le nouveau président élu s'embarque vers un mauvais cap, plus étatiste ou plus protectionniste, et alors l'Amérique s'enfoncera dans une récession profonde. Et nous avec.

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