« Dorothée n’aime pas les enfants ».
C’est une phrase qui reste là, toujours, dans un coin de ma tête. Que mes parents disaient parfois à table, pour critiquer l’émission pour enfants des samedis, dimanches et mercredis matins, que je ne manquais pour rien au monde.
Une fois, il avait fallu partir tôt pour aller au festival d’Angoulême. J’avais 10 ans. L’épisode de Dragon Ball qui devait être diffusé était la fin, inédite, et attendue depuis des mois, du combat entre Gohan et Cell. Il y eu des cris et des grincements de dents, mais c’est Angoulême qui l’emporta. aujourd’hui encore, je me souviens de ce sentiment d’injustice terrible qui ne me quitta qu’en fin d’après midi, lorsque mon père me promit de réaliser un poster géant de mon dessin animé préféré.
Les parents savent ce qui est bon pour les enfants sans avoir à leur demander. Dorothée, elle, nous parlait d’égal à égal, nous donnait ce que nous voulions. Du combat et des petites culottes. Aujourd’hui, elle passe sur les plateaux télé, on l’acclame, on a les larmes aux yeux rien qu’en la voyant débarquer. Et pourtant, on a réussi à remplacer les « horreurs japonaises » par des émissions éducatives ou des dessins animés qui tentent de faire gober aux enfants les programmes européens sur l’écologie et la diversité.
Comment Dorothée aurait-elle pu vraiment ne pas aimer les enfants ? Où, surtout, mes parents avaient-ils pu entendre une telle ânerie ? C’est ce que je me suis demandé cette semaine en me remémorant cette histoire. Et bien je suis tombé sur des pages d’un magazine, Interview, numéro 6, datant de janvier 1993, dans lequel Dorothée elle-même répond à la question :
Journaliste : On te traite de menteuse. On dit que tu affirmes aimer les enfants alors que tu n’es qu’une machine à gagner de l’argent.
Dorothée : Ceux qui disent cela n’ont rien compris. Tant pis pour eux. Je suis sincère. La preuve : le public est là. Tous les mercredis, 500 gamins se déplacent pour me faire des bisous partout. Et je les aime bien. Le public enfant est très critique. On ne peut pas mentir ou tricher avec lui : on a même dit que je n’aimais pas les enfants parce que je n’en avais pas. Quelle idiotie. Je ne pourrais pas faire tous les jours des émissions pour eux si je ne les aimais pas.
Journaliste : Ségolène Royal a dit un jour, à ton sujet : « Les enfants, c’est pas cher et ça peut rapporter gros »
Dorothée : C’est nul ! Et en plus, elle a des enfants. Quel manque de respect total envers eux. Complètement crétin ! Elle a dit cela pour vendre son bouquin sur les « bébés zappeurs ». Et après elle s’est occupée de l’impact du décalage horaire sur les vaches… C’est vous dire.
Rémi Brun
