
Vladimir Jurowski et Matthias Goerne
Pour le quatrième concert d'Académie de la saison, l'Orchestre d'État de Bavière a joué les Six monologues extraits de Jedermann du compositeur genevois Frank Martin, interprétés par Matthias Goerne, suivis en deuxième partie de la Sixième symphonie d'Anton Bruckner.Jedermann (chaque homme ou chacun de nous en allemand) est une pièce de théâtre de Hugo von Hofmannsthal dont la forme est empruntée au théâtre médiéval des mystères. Elle est sous-titrée Le jeu de la mort de l'homme riche. La pièce fait intervenir Dieu, la mort, le diable et d'autres personnages allégoriques. Il s'agit d'une traduction et d'une adaptation de l'œuvre anglaise Everyman, A morality play, imprimée à Londres en 1490 et basée sur l'original néerlandais Elckerlijc, composé par Macropedius et imprégné d'effets de style issus de la chanson de geste. Hofmannsthal s'est également inspiré du Komedi vom sterbend reichen Menschen de Hans Sachs. La première représentation a eu lieu le 1er décembre 1911 à Berlin dans une mise en scène de Max Reinhardt. Depuis 1920, elle est traditionnellement rejouée chaque année lors du festival de Salzbourg, dont Hofmannsthal était l'un des initiateurs. En 2024 c'est à Robert Carsen que la mise en scène en a été confiée. Le rôle-titre est interprété par les meilleurs interprètes du théâtre germanophone. Le compositeur suisse Frank Martin (1890-1974) a extrait de l'adaptation par Hugo von Hofmannsthal du jeu médiéval du riche Jedermann et de sa mort six passages en forme de monologues, dans lesquels est retracée l'évolution psychologique du protagoniste — depuis la prise de conscience de sa fin de vie imminente jusqu'à l'acceptation finale de la mort, en passant par la révolte et le désespoir. La musique de Martin, tonale dans ses grandes lignes mais enrichie de manière très individuelle, s'adapte étroitement au texte jusqu'à ce qu'elle s'achève dans le do majeur du pardon. En 1943, Frank Martin a mis en scène six des monologues de Jedermann, les destinant à un concert et non à une représentation théâtrale. Martin avait d'abord composé une partition pour baryton et piano. Plus tard, en 1949, il en donna une version pour baryton et grand orchestre. C'est cette dernière version qui vient d'être proposée à Munich dans le cadre des concerts d'Académie du Bayerisches Staasorchester avec le baryton Matthias Goerne.

Pochette de disque, London Records, 1956


Vladimir Jurowski et l'orchestre d`État de Bavière
Vladimir Jurowski poursuit son exploration systématiquement chronologique des symphonies d'Anton Bruckner avec cette sixième symphonie en la majeur d'Anton Bruckner, une œuvre quelque peu éclipsée par ses voisines plus populaires. Elle n'est jouée que pour la quatrième fois en tout dans l'histoire de l'Académie musicale bavaroise. Vladimir Jurowski interprète cette œuvre complexe en en soulignant avec vigueur le rythme marqué. Elle avait été qualifiée par son compositeur comme la « plus effrontée » de ses symphonies (en allemand "die Keckste"). La sixième symphonie fut composée de 1879 à septembre 1881 et a ceci de particulier qu'elle ne fit l'objet d'aucune réécriture. Bruckner n’entendit jamais l’exécution intégrale de cette œuvre ; seuls, l’adagio et le scherzo furent donnés à Vienne en 1883, le 11 février, deux jours avant la mort de Wagner, que Bruckner révérait comme un dieu et dont il cite brièvement Tristan und Isolde dans le mouvement final. Vladimir Jurowski réussit une direction précise de cette symphonie dont la construction développe un thème initial selon la gamme diatonique du mode phrygien (le troisième mode). Toute l'œuvre est comme une construction mathématique complexe qui pratique la mutation dans la répétition. Le chef se montre très attentif aux cBayeroulissements chromatiques qui font évoluer les thèmes tout en les modulant. Cependant la précision de l'exécution, fort cérébrale, n'est pas dénuée d'une certaine sécheresse, on se sent rarement transporté par la musique, l'émotion n'est pas au rendez-vous, d'autant que Vladimir Jurowski déchaîne volontiers les montées en puissance du volume. Les aspects plus intimistes de la partition, comme certains passages de l'Adagio, ou les aspects plus lyriques et poétiques du scherzo, sont comme noyés dans le volume sonore, ce qui n'a pas empêché le chef et l'orchestre de remporter un franc succès.Crédit des photos © Bayerisches Staatsorchester
