Partie 3 sur 4 : Théophanies des textes bibliques prophétiques
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Il existe une multitude d’exemples d’utilisations d’images de Dieu datant des XVIème et XVIIème siècles démontrant que la tradition théologique réformée admet la légitimité de certaines images de Dieu (moyennant le respect de certaines conditions — dont l’une qui s’articule à la notion de théophanie). Dans l’article précédent de cette série, nous avons vu le cas du buisson ardent, qui fut utilisé sur les sceaux des Églises réformées de France et d’Écosse (notamment).
Dans le présent article, nous verrons plusieurs exemples additionnels de représentations imagées de diverses théophanies (c’est-à-dire de manifestations visibles et audibles de Dieu) utilisées dans l’histoire protestante réformée ancienne. Plus spécifiquement, nous nous concentrerons sur les images de Dieu illustrant des textes bibliques prophétiques où de telles théophanies sont révélées. J’accompagne les images d’explications théologiques lorsqu’il n’est pas 100 % évident, à la simple vue de ces images ou à la simple lecture des textes auxquels elles se rapportent, qu’il s’agit effectivement d’images de Dieu.
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Théophanie d’Ézéchiel 1:1 à 3:15 (cf. surtout 1:25-28) et 10:1-22 (cf. surtout 10:20) dans les pages liminaires de la Biblia del Oso (1569) traduite par Casiodoro de Reina, qui est la toute 1ère Bible protestante espagnole :

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Autre théophanie d’Ézéchiel (coin supérieur droit) présidant au siège de la Cité-État de Tyr par l’Empire néo-babylonien de Nebucadnetsar II en 585-572 av. J.-C. puis à sa destruction totale par l’Empire macédonien d’Alexandre III en 332 av. J.-C. (prophétisé en Ésaïe 23, Ézéchiel 26 à 28 et Amos 1:9-10), toujours dans les pages liminaires de la Biblia del Oso :

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Théophanie d’Apocalypse 1:12-18 dans la Bible de Zürich (1531) traduite par les réformateurs Ulrich Zwingli et Leo Judä, qui est non seulement la toute 1ère Bible réformée allemande, mais même la 1ère Bible protestante allemande *complète* (la Bible de Luther *complète* n’étant sortie des presses qu’en 1534) :

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Double théophanie (de Dieu le Père + Dieu le Fils) venant d’Apocalypse 4 & 5 dans la Bible de Zürich réformée :

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Théophanie de Dieu le Père venant d’Apocalypse 8:2-4 (cf. Ap 7:9-15) dans la Bible de Zürich réformée :

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Théophanie de Dieu le Père venant d’Apocalypse 9:13 dans la Bible de Zürich réformée :

Notez que la section inférieure de cette gravure ↑ montre le châtiment surnaturel des malfaiteurs qui « ne cessèrent pas d’adorer les démons et les idoles en or, en argent, en bronze, en pierre et en bois qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher » (Ap 9:20, S21). De toute évidence, les réformés germanophones qui produisirent et utilisèrent cette Bible ne considéraient pas que cette illustration de la condamnation divine de l’idolâtrie était elle-même idolâtrique.
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Théophanie de la Seconde Personne de la Trinité venant d’Apocalypse 10 dans la Bible de Zürich réformée :

L’« ange puissant » ↑ que l’apôtre Jean voit « descendre du ciel » (S21) en Ap 10 est Jésus-Christ. L’apparition angéomorphique de Christ est attestée ailleurs dans le dernier livre de la Bible (Ap 1:13-16, 14:14-15 et 21:1-2), sans parler du reste des Écritures Saintes. Que Jean tombe aux pieds d’un ange non-divin pour l’adorer ailleurs dans l’Apocalypse (19:10 et 22:8) suggère qu’il a déjà vu Jésus en tant qu’ange en écrivant ce livre. Une panoplie d’arguments théologiques peuvent être alignés en faveur de l’identification de l’être angélique d’Ap 10 avec Christ :
{1} Cet ange est « enveloppé d’une nuée » (Ap 10:1). La nuée est directement associée à Jésus-Christ venant en gloire dès Ap 1:7 ; et ces deux textes renvoient à Dn 7:13-14 qui réfère clairement au Roi éternel & universel Jésus-Christ.
{2} « Au-dessus de sa tête était l’arc-en-ciel » (Ap 10:1). Ce signe renvoie au trône de Dieu qui est entouré d’un arc-en-ciel en Ap 4:3 et Ézéchiel 1:27-28. Dans le texte grec d’Ap 10:1, la présence de l’article défini (« l’ », ἡ) avant « arc-en-ciel » (ἶρις) renvoie à une occurence antérieure de ce terme (donc à 4:3, où cet article défini est absent).
{3} « [S]on visage était comme le soleil » (Ap 10:1). Cette caractéristique renvoie à Jésus en Ap 1:16 où « son visage était comme le soleil ». Mieux encore, cette clause d’Ap 10:1 est 100 % identique en grec (to prosopon autou hos ho helios) à la 2ème clause de la description de la transfiguration de Christ en Mt 17:2 !
{4} « [S]es jambes [étaient] comme des colonnes de feu » (Ap 10:1). Cet attribut physique renvoie à la colonne de feu qui guida et protégea le peuple allianciel chaque nuit pendant son périple de l’Égypte vers la Terre promise à travers le désert (Ex 13:21-22, 14:24, 40:34-38, etc.). Dans la Septante, la traduction grecque antique de l’A.T., c’est les mêmes mots grecs qui sont utilisés (stulō puros). De surcroît, cette colonne de feu du désert est identifiée à l’Ange de l’Éternel (Ex 32:34 et 33:2, Nb 20:16) qui est lui-même identifié à Jésus (Ex 3:2 et 3:14, Jn 8:58).
{5} « [I]l cria d’une voix forte, comme un lion qui rugit » (Ap 10:3). Le rugissement d’un lion est souvent une métaphore de l’appel de Dieu (Jér 25:30, Os 11:10, Jo 3:16, Am 1:2 et 3:8). Cela fait allusion au « lion de la tribu de Juda, le rejeton de la racine de David [qui] a vaincu » (Ap 5:5), c’est-à-dire Christ.
{6} La manière dont cet ange apparaît dans la vision est un indice supplémentaire de son identité christique : L’apôtre Jean l’observe « descendre du ciel » (Ap 10:1). Il s’agit de la même provenance céleste que la voix divine faisant autorité et donnant des ordre à Jean (Ap 10:4, 8). En outre, cette terminologie (« descendre du ciel » = katabainonta / katabainō ek tou ouranou en grec) réfère typiquement à Jésus sous la plume de Jean (Jn 3:13 et 6:33, 38, 41-42, 50-51, 58).
{7} L’ange « posa son pied droit sur la mer et son pied gauche sur la terre » (Ap 10:2, réitéré deux fois aux v. 5 et 8). Cette posture désigne la domination planétaire du Fils de Dieu. La combinaison de la mer et de la terre dénote l’entièreté du monde terrestre, non seulement dans la Bible (Gn 1:9-10) mais aussi dans la culture gréco-romains antique. Ainsi, les Res Gestae autobiographiques de l’Empereur romain Octave Auguste datant de ≈ 14 ap. J.-C. décrivent les moments où « la paix était assurée par des victoires à travers tout l’Empire du peuple romain, sur terre et sur mer » (§ 13) comme un événement très rare et solennel.
(Kenneth Gentry, The Divorce of Israel : A Redemptive-Historical Interpretation of Revelation, Vol. 2, Tolle Lege Press, 2024, p. 843-856 ; David Chilton, The Days of Vengeance : An Exposition of the Book of Revelation, Dominion Press, 1987, p. 259-268 ; Collectif, Nouveau Testament interlinéaire grec-français, Éditions Bibli’O, 2015, p. 1166 et 1183.)
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Double théophanie de Dieu le Fils venant d’Apocalypse 12:5 & 12:7-8 (cf. Daniel 12:1) dans la Bible de Zürich réformée :

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Théophanie de Dieu le Fils (l’Agneau sur Sion) venant d’Apocalypse 14:1-13 dans la Bible de Zürich réformée :

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Théophanie de Dieu le Fils venant d’Apocalypse 14:14-20 dans la Bible de Zürich réformée :

En Ap 14:14 ↑, ce « quelqu’un qui ressemblait à un fils d’homme » assis sur « une nuée blanche » qui « avait sur la tête une couronne d’or » (S21), est assurément le Roi Jésus-Christ. En Ap 1:13, c’est Jésus qui est ce « quelqu’un qui ressemblait à un fils d’homme ». En Ap 10:10, c’est Christ qui est « enveloppé d’une nuée ». En Daniel 7:13-14, la Seconde personne de la Trinité est ce « quelqu’un qui ressemblait à un fils de l’homme [qui] est venu avec les nuées du ciel » et auquel est donné la royauté universelle.
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Théophanie de Dieu le Fils venant d’Apocalypse 18:1-3 dans la Bible de Zürich réformée :

Concernant cette image de Dieu ↑ en Apocalypse 18:1-3 (l’ange colorisé en rouge ci-dessus) : « Saint Jean est maintenant introduit à un autre ange — probablement le Seigneur Jésus-Christ, considérant la description de celui-ci [en Ap 18:1] comparée avec les affirmations sur Christ dans l’Évangile selon saint Jean : Il descend du ciel (Jean 3:13, 31 ; 6:38, 58), il a une grande autorité (Jean 5:27 ; 10:18 ; 17:2), et la terre fut illuminée de sa gloire (Jean 1:4-5, 9, 14 ; 8:12 ; 9:5 ; 11:9 ; 12:46 ; cf. 1 Tim 6:16). Ces expressions forment un parallèle avec [celles d’Ap 10:1], lesquelles, comme nous l’avons vu, parlent clairement du Fils de Dieu. La dernière clause est pratiquement une répétition d’Ézéchiel 43:2, où il est dit de Dieu que “la terre resplendissait de sa gloire” [S21]. » (David Chilton, The Days of Vengeance : An Exposition of the Book of Revelation, p. 445-446.)
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Théophanie de Dieu le Fils venant d’Apocalypse 19:11-21 dans la Bible de Zürich réformée — ici j’ai pris une image venant d’un exemplaire original non-colorisé (à l’intérieur) car l’exemplaire colorisé à la main utilisé ci-dessus ne respecte pas les couleurs indiquées par le texte biblique d’Ap 19 :

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Théophanie de Dieu le Fils venant d’Apocalypse 20:1-3 dans la Bible de Zürich réformée :

Concernant cette image de Dieu ↑ en Apocalypse 20:1-3 : « Saint Jean voit “descendre du ciel un ange qui tenait la clef de l’abîme et une grande chaîne à la main” [Ap 20:1, NBS]. Encore une fois, comme en 10:1 et 18:1 (cf. 12:7), c’est le Seigneur Jésus-Christ qui, en tant que Médiateur, est l’Ange (Messager) de l’Alliance (Malachie 2:7 ; 3:1). Son contrôle et son autorité absolus sur l’abîme sont symbolisés par “la clef” et la “grande chaîne”. L’auteur établit un contraste frappant : Satan, l’étoile maléfique tombée du ciel [Luc 10:18], a reçu brièvement la clé de l’abîme (9:1) ; mais Christ est “descendu” du ciel, ayant en sa possession légitime “les clés de la mort et du séjour des morts” (1:18). […] Jésus-Christ, dans sa mission en tant qu’Ange du ciel, “saisit le dragon, le serpent d’autrefois, qui est le diable et Satan, et il le lia pour mille ans. Il le jeta dans l’abîme, qu’il ferma et scella au-dessus de lui” [Ap 20:2-3, NBS, corrigé]. Tel que saint Jean l’a déclaré dans sa 1ère épître, si Christ “s’est manifesté, c’est pour détruire les œuvres du diable” (1 Jean 3:8). » (David Chilton, The Days of Vengeance : An Exposition of the Book of Revelation, p. 499-500 ; Collectif, Nouveau Testament interlinéaire grec-français, p. 1219.)
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Il y a donc pas moins d’une douzaine d’images de Dieu ayant un appui textuel direct dans les pages du Livre de l’Apocalypse de la Bible de Zürich produite par les réformateurs Ulrich Zwingli et Leo Judä !
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