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On ne peut pas aimer les chats et les oiseaux

Publié le 12 avril 2025 par Alexcessif

 — Tout cela n’a été rendu possible que parce que des gens obéissent et que d’autres se taisent

Le gros des troupes ne s’intéresse pas à l’univers primitif et aux ondes gravitationnelles. Ils se préoccupent plutôt du prix du carburant et du haut débit de la connexion wifi. S’il reste un espace de cerveau disponible entre une série Netflix et une coupe du monde, ils adhèrent au tri sélectif et ne s’inquiète de leur empreinte carbone que si cela ne nuit pas à rejoindre l’espace détente d’un trekking à l’autre bout du monde ou d’un jardin secret dans l’ailleurs blanc et bleu. Les gens de pouvoir le savent. CSP plus, N + 1 sur Élite, techniciens de surface ou hôtesses de caisse ont un compte Tinder et/ou Face Book, quelle que  soit leur place dans la chaîne alimentaire. Un site de rencontre est l’outil du contrôle. Taille, poids, loisirs, classe sociale, nombre de vues, l’algorithme remplace le hasard à la façon d’un trip advisor et les R.S disent d’eux la bonne personne qu’ils sont, la culture qu’ils étalent, leur raffinement, leur bonté. Parfois jusqu’à la caricature. L’annonce d’un animal perdu depuis deux ans sera partagée sans autres vérifications pour qq likes de plus, une femme emprisonnée en Iran, un écrivain séquestré, un dissident empoisonné dont le sort et le nom seront vite oubliés si on extrade concomitamment Paul Watson, Snowden ou Assange mais la preuve sera faite d’un haute capacité d’indignation. Il s’agit d’être réactif et de se précipiter à la découverte de cet artiste admirable puisque son décès vient d’être annoncé. Il nous manquera disent vertueusement ceux qui avaient oublié de l’admirer hier du temps où il était encore vif. Charitables en données corrigées des variations saisonnières, ils lâchent une piécette à l’invisible sur un trottoir sans pour autant accueillir sa tente dans leur jardin. Pétris du bon sentiment des réalités incompatibles ils persistent à aimer les chats et les oiseaux. Il est bon de mettre sur sa bannière l’écusson d’un pays envahi ou victime d’une catastrophe naturelle et se précipiter sur la pétition du jour. Quand l’émotion devient un produit de consommation, j’hésite à admirer et à suivre celles qui lisent un livre par jour. L’émotion comme l’amour m’épuise. Après un moment fort j’ai besoin de recharger. En peu de livres, on sait. L’œuvre d’un seul auteur suffit. Pouvoir, amour, tentation, trahison, vengeance, des turpitudes humaines pour échapper à l’ennui, tout a déjà été écrit. A lire l’Iliade et l’Odyssée on conclurait comme Antoine Blondin, « Rentre chez toi, Ulysse ta femme t’attend! ». Cette concision permettrait de gagner les heures perdues à lire sur une chaise longue prés d’une boisson pétillante un léger vent dans les mollets pendant que le robot électrique tond silencieusement le gazon autour de la piscine, que Pénélope tricote et que le reste du monde brûle. Si l’on considère à l’instar de Mesrine que la lecture c’est l’évasion, j’ignore de quelle prison ces tourneuses de pages stakhanovistes cherchent-elles l’issue. Nous savons désormais que nous sommes à la fois geôlier et prisonnier dans une cellule calibrée sur notre pouvoir d’achat et à la taille de notre ego en attente d’une permission de sortie définitive. 

— Je suis qq part dans une forêt à me geler les couilles sous une tente à deux heures de marche de mon futur café parce que je troque avec les petits oiseaux mon cynisme contre de la sagesse. J’espère traduire et savoir de leurs trilles pourquoi la soumission est si bien récompensée, pourquoi on honore les menteurs au pro rata de leur pouvoir d’achat, on admire la puissance de leur duplicité et les reconduit à la tête du troupeau? Sans doute qu’à chaque tour de magie nous savons qu’il y a un truc mais que nous aimons être dupé si c’est démocratique. Je veux persister à aimer les gens et continuer à désirer ce que je possède.

Avant d’atteindre après demain la forêt de Mercoire j’étais à l’abri du vent dans le cromlech au sommet du Finiels et j’ai vu un gypaète barbu à tête plate. Chacun dans sa dimension, nous étions seuls à une saison et une heure où ne s’aventurent pas  les randonneurs all inclusive des voyages organisés. J’entendais le vent dans ses rémiges. Pauvre rampant plus lourd que l’air, j’enviais sa liberté, l’ampleur de ses volutes, les pleins et les déliés de sa calligraphie aviaire  bref — à propos de concision — : la grâce de son vol. Crypté et illisible dans la page du ciel je suis sûr qu’il détenait le code source de tout ce merdier ou une bonne histoire drôle mais de nous deux j’étais l’ignorant agelaste.  Puis j’ai pensé à son régime alimentaire de charognes et de lombrics. J’ai regardé le soleil auvergnat se coucher en dînant d’un quignon de pain sec et de ma dernière banane sans oublier mon cachet d’Atorvastatine satisfait de ma condition humaine d’illettré

Je suis sûr qu’à mon retour Bayrou sera encore là entre une pub Carglass et l’injonction des cinq fruits & légumes/jours dans celle de Mc Do


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