
— Elle est plutôt jolie, Ségolène. La caméra glisse sur elle, le chef de plateau lui demande son avis à propos du Shop and go. Pourquoi elle? Elle prends bien la lumière mais l’objet de sa présence dans la lucarne c’est la promo de la sortie ciné hebdomadaire. Je vais pas faire mon wokiste de service outré qu’un homme qui demande à une femme, donc sensée fréquenter les supermarchés, ce qu’elle pense du Shop and go: des magasins déshumanisés. On télécharge une appli puis le magasin fait le reste: Caméra, scan silhouette, le logiciel te suit dans les rayons, sait qui tu es ce que tu consommes et facture directement supprimant ainsi même le passage aux caisses auto. Ni vu, ni connu enfin si vu, connu ET reconnu. Bon, elle en pense quoi Ségolène?
— C’est horrible, il n’y a plus de relations humaines!
De bonne composition, j’entre dans la fiction de cette femme élégante qui torche ses mioches et pousse son caddie elle même
— Ah bon, tu vas faire tes courses pour créer du lien avec une caisse automatique et discuter avec le manut qui range les courgettes chez Aldi, Ségolène?
Bien sûr il reste qq bourgeoises qui « font les commissions ». En principe ce sont des retraitées de l’enseignement qui se font chier à la maison et qui vont faire chier ceux qui bossent encore. Chaque personnel avec la chasuble du magasin est un manant à sa disposition sur qui elle va défouler son ennui pour l’étiquette de travers et la tomate moisie qui n’a rien à faire sur l’étal. C’est de la relation humaine, ça coco!
— Il y a qq mois j’ai dégagé un périgourdin plutôt sympa. Un terrien propriétaire d’un bois de cormiers aux rives de l’Isle qui s’insurgeait contre le péage sans péage, cette borne qui repère et facture ton passage sous le portique sans t’arrêter. Lui était adepte du paiement en liquide avec file d’attente, moyen imparable pour protéger sa vie privée et la confidentialité de ses déplacements.
J’ignore si ce Jean Moulin d’opérette passait sous les caméras avec une fausse barbe et une casquette à visière mais on peut vivre en Périgord sous un pseudo (Ysengrin) sorti du roman de Renard, être détenteur d’une CB, d’un compte FB et croire détenir pour soi un jardin secret ignoré de Big Brother. C’est pour cela que je n’ai pas d’amis. Tu finis toujours par t’apercevoir que le mec qui coche toutes les cases du bon goût est finalement un con.
Ce point commun devrait nous rapprocher mais je n’aime pas la concurrence.
Le Shop and go qui te permet d’expédier les besognes utilitaires rapidement cela me semble être un prolongement logique des caisses auto sauf si tu considères que remplir ton caddie est LA sortie familiale du samedi avec négo des bons de réduc sur le tapis roulant avec la dernière hôtesse de caisse encore vivante qui a des trucs passionnants à partager
Maintenant, tu peux toujours croire à ta vie privée et que tu vas rencontrer la femme de ta vie en cherchant du tasseau de 12 au rayon bricolage du Brico dépôt de la rue d’Alésia comme Ségolène de la rubrique ciné de LCI.
Tu peux!
Si la reconnaissance faciale te gène et que tu insistes pour que tes achats de gel Durex soit ignorés de l’informaticien de la NSA tu peux toujours croire que ton secret est connu seulement de FB et du service consommateur Aldi
Tu peux!
Tu es un pouième, gros! Un chiffre loin de la virgule dans une statistique de l’infiniment petit. Ton seul intérêt pour les gredins au pouvoir ne réside pas dans ton statut d'électeur mais c'est ton statut de consommateur à hauteur de ton pouvoir d'achat qui pèse
