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Chroniques d’un anthropologue au Japon (78)

Publié le 14 mai 2025 par Antropologia

J’aimerais poser la question ici, à tous les sociologues, anthropologues. Comment en est-on arrivé là ?

Miu, 27 ans, me demande hier pourquoi il y a autant de gays en France. Je cherche une réponse drôle. Les femmes sont plus dures que les hommes, alors beaucoup d’hommes préfèrent choisir un conjoint du même sexe. (rire) Miu, elle, ne rigole pas. Elle prend la discussion au sérieux. Mais non, me dit-elle. C’est déjà décidé à la naissance. C’est génétique.

Je la regarde, un peu stupéfait. Euh. D’accord. Mais alors comment on transmet un gène homosexuel, puisque des personnes de même sexe ne peuvent pas produire d’enfant ? Elle me dit que c’est dans le ventre de la mère. En fonction du taux d’hormones. Je lui réponds que les Japonais ont naturellement plus d’œstrogènes que les Français, avec tout le soja qu’ils mangent, et que pourtant elle avait bien remarqué qu’il y avait plus de gays en France. 

Elle commence à douter. Je lui conseille de se renseigner, et que les comportements humains, les goûts et les couleurs, sont quand même généralement le fruit de parcours, ou de l’éducation, plutôt que de prédispositions biologiques.

Et puis, je décide de me renseigner aussi. Sur internet, je tombe alors sur des dizaines de rapports scientifiques sur les causes  biologiques de l’orientation sexuelle. Pire, je tombe sur un débat sur Youtube entre transgenres et cisgenres, dans lequel personne n’admet que la transidentité viendrait d’un choix ou d’un parcours social. Une femme émet tout de même cette possibilité ; et se fait lyncher comme si elle avait proféré quelque parole insultante. Un/une trans explique qu’il/elle l’est depuis sa naissance, que le psychiatre lui avait diagnostiqué, qu’il/elle avait un esprit de femme dans un corps d’homme. Qu’il/elle pouvait donc se faire prescrire des hormones, même s’il/elle n’était pas encore majeur(e). Que c’était un progrès dans la reconnaissance des personnes trans.

N’était-ce pas cela le racisme, d’associer des comportements humains à des prédispositions biologiques ? Le sexisme que de dire que l’on nait avec un cerveau d’homme ou un cerveau de femme ? Est-ce encore possible de parler de genres et de construction d’identité en sciences sociales ?

Rémi Brun


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