Han Kang, Leçons de grec, 2011, 2024 traduit du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batillot, Le Livre de Poche,189 p.
L'auteur qui est coréenne (du Sud) s'est vue décerner le Prix Nobel de littérature en 2024.
Ce roman commence par un cours de grec ancien donné à des étudiant(e)s coréen(ne)s. L'étudiante, maintenant un peu âgée, fréquente les langues : le coréen, toute petite, avec son frère, puis l'anglais et français, le chinois aussi. Puis l'allemand en Allemagne.
On apprend son histoire par petits morceaux. Elle a eu un enfant dont la garde a été confiée par le juge à son mari dont les revenus sont plus stables que les siens. Elle a perdu sa voix, elle est donc muette et le professeur de grec est lui en train de perdre la vue. Elle communique avec lui en écrivant avec le doigt sur la paume de sa main, technique classique en Asie.
Le cours de grec se poursuit tout au long du roman qui est une sorte de pluri-biographie. Les étudiants travaillent un dialogue de Platon, La République. Petit à petit, elle et le professeur de grec font connaissance, lentement, doucement ; " il ne connaît pas la cotte de mailles faite des mots qui piquaient son corps nu comme autant d'aiguilles".
C'est un très beau livre, qu'il faut lire doucement et relire, relire encore. Alors, on finit par mieux deviner les personnages, leurs discours, leur malaise. Rien ne conclut mieux ce roman que la remarque d'un ami de l'héroïne : "Tu es trop littéraire pour faire de la philosophie... Ce que tu veux atteindre à travers la pensée n'est qu'une sorte d'extase littéraire" (p. 117). Alors, littérature ou philosophie ? Allez savoir...
NB : pour les hellénistes, page 114, le mot "arèté", cité par l'auteur, désigne chez Platon la vertu (le Ménon porte sur l' ἀρετή). Yvon Brès dans sa thèse sur La psychologie de Platon (PUF, 1968,) considère que le substantif qui lui correspond le plus adéquatement, "bel et bon", est καλὸς κἀγαθός.
