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Hergé en 1964

Publié le 26 juin 2025 par Jacquesmercier @JacquesMercier

En faisant des recherches de vieux articles de presse, je tombe sur une photo que je pensais perdue, celle d’une interview d’Hergé dans son studio, alors que j’avais une vingtaine d’années et que je venais d’entrer à la RTBF. Je le raconte ainsi dans mes mémoires :

« Mon oncle Adrien Fache fit engager ma fiancée chez le grand tailleur Rose & Van Geluwe. Il avait épousé la nièce de ce dernier. Elle devint hôtesse d’accueil dans le bâtiment de la rue Royale, face au parc. Parmi les clients du tailleur : le prince Albert, futur roi, les hommes politiques comme Paul Vanden Boeynants, qui serait premier ministre l’année suivante, et Hergé, qui venait aussi avec son père pour lui faire confectionner des costumes sur mesure. C’était un endroit fabuleux et luxueux. Au mur, il y avaient des tableaux modernes incroyables : James Ensor, par exemple. Le propriétaire des lieux partageait ce goût des tableaux contemporains avec Hergé. Celui-ci interrogea ma future femme sur sa vie personnelle. Quand il apprit qu’elle allait bientôt se marier avec un jeune journaliste de la radio, il voulut offrir un cadeau, sous la forme d’un scoop. « Voici mon numéro de téléphone, qu’il m’appelle demain matin ! » Ce que je fis. J’avais interviewé Hergé pour le journal scout « Plein Jeu » pendant mon adolescence, mais je ne l’avais pas rencontré.  J’appelai et j’eus Hergé en ligne, qui me confirma qu’il avait une information exclusive pour moi. Nous avons pris rendez-vous l’après-midi même. Il avait ajouté : « Venez avec votre enregistreur, mais aussi un appareil de photo, si vous voulez ! » Intrigué et ému, je me rendis au studio Hergé, avenue Louise, pas loin de Flagey. On m’accueillit avec chaleur et Hergé en personne me présenta à ses collaborateurs : sans doute Edgar P. Jacobs, Jacques Martin, Roger Leloup (qui devait dessiner l’avion de Lazlo Carreidas, caricature de Marcel Dassault) et Bob de Moor, peut-être même Fanny Vlamynck, sa future femme, qui était encore coloriste. Ensuite il m’emmena dans son bureau pour me montrer et commenter les premières planches d’une nouvelle aventure de Tintin. Il y avait des années qu’il n’avait rien publié ni accordé d’interviews ! C’était « Vol 714 pour Sydney » qui paraîtra en 1968, 5 ans après les « Bijoux de la Castafiore ». J’ai donc fait passer mon interview dans l’émission pour jeunes. Et ce fut un événement ! Le Journal Parlé – incontournable encore à l’époque – fit demander l’enregistrement au producteur afin de le diffuser au cours des informations. Tout le monde se demanda qui était ce jeune qui avait obtenu une telle exclusivité. Inutile de dire que cette marque de générosité, comme celle de Brel, quelques années plus tôt, m’a sacrément aidé. »

Hergé 1964
Hergé 1964

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