Magazine

Mes souvenirs artificiels

Publié le 06 juillet 2025 par Nicolas Esse @nicolasesse

Ça commence un soir, une nuit ou à midi. À la plage, à vélo ou alors au travail, les yeux quittent l’écran pour un minuscule instant et quelque part, tout au fond du noir se met à scintiller une petite lueur vacillante, des mots, une image ou un son comme un murmure qui efface le tableur rempli de chiffres, fige le mouvement de la souris et mes mains sur le clavier. 

Je ferme les yeux et mes oreilles au bruit du monde et je plonge au fond du noir. Sur cette photo phosphorescente et délavée par le temps, assis en tailleur, un petit garçon est penché sur un livre d’images. Je m’approche. Je regarde par-dessus son épaule. Sur la page de droite, au sommet d’un arbre, une feuille se détache et à côté une spirale, un trait enroulé, rapide, léger, raconte le tourbillon du vent. Au pied de l’arbre, minuscule, le corps écrasé par la perspective plongeante, un enfant, la tête renversée vers le haut, voit la feuille tomber. Je ferme les yeux et j’imprime le cliché dans l’espace photosensible de ma mémoire. Souvenir artificiel qui raconte un bout de l’histoire qui me suit jour après jour, semaine après semaine, depuis des mois, des années, comme un compagnonnage de longue durée. Nous cheminons ensemble, l’histoire et moi, on se perd de vue on se retrouve, par bribes, par lambeaux, on s’amuse, on rit parfois. Et devant moi, je sais que s’ouvrira bientôt cette immense plage de temps où je pourrai enfin ramasser tous ces éclats épars, les assembler, les ordonner, mettre un chiffre sous chaque page, du nouveau début jusqu’au mot fin.


Retour à La Une de Logo Paperblog