Un bon en avant

La soutenance de la thèse d’Anne Debernardi Habiter la grande ville, le 3 juin dernier a fait faire à l’anthropologie « un bon avant » sous trois formes.

Alors que ce qui peut s’appeler anthropologie de l’ordinaire ou ethnopragmatique ou autres croyaient ne pouvoir s’occuper que de petits objets (la famille chez Chauvier ou même un seul individu comme chez Congoste, Milhé et encore Chauvier…). Anne Debernardi a osé s’occuper d’un objet aussi gigantesque qu’abstrait, la Métropole bordelaise. Elle a réalisé sa recherche selon une démarche bien éprouvée maintenant, entretiens examinés par la pragmatique, mais appliquée à une nouvelle échelle fort éloignée des situations concrètes.

En second lieu, elle a utilisé la vieille figure de rhétorique, la synecdoque qui désigne la substitution dans une chose de la partie au tout ou l’inverse, pour dénoncer une opération aussi habituelle que frauduleuse en sciences sociales. Par exemple, voir dans l’individu un groupe ou l’inverse, sans daigner justifier l’opération tant elle est habituelle. Or, comme la partie n’est pas le tout, cela constitue une erreur à laquelle A. Debernardi a trouvé un nom. En outre, si les petits objets sont observables, d’autres sont imaginés et surtout, ne se déduisent pas les uns des autres. « La généralisation, c’est au lecteur, au critique de la faire » Gide, Paludes La Pléiade 118.

Enfin, afin de prouver par l’expérience que les informations ne peuvent que prendre la forme langagière, sans explication, la thèse est parsemée de photographies de rues désertes où vivraient les locuteurs cités. Que faire de ces documents ? La seule utilisation possible est de les transformer en occasions de discours et de les prendre comme tels. Les photographies ne montrent pas la réalité dont l’expression ne surgira que des paroles. Nous retombons ainsi sur le cœur du propos de la thèse, l’analyse des discours tenus sur la Métropole bordelaise.

6 juin 2025

B. Traimond