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Une belle journée pour mourir…

Publié le 07 août 2008 par Etxe

C’était une belle journée. Diana avait pu poser un jour de congé pour passer un peu de temps avec son nouveau petit ami. Employée au rayon « Charcuterie » d’un supermarché de Figueras, le mois d’août est pour elle et ses collègues un mois difficile : en raison de l’affluence de touristes, le magasin ouvre tous le dimanche jusqu’à 15 heures, ce qui ne laisse plus beaucoup de temps pour les loisirs. En ce beau lundi d’août, Diana et ses amis, tous employés du même magasin, se rendent à  La Jonquera, histoire de changer d’air. Durant le voyage, elle a encore reçu plusieurs textos de Juan Carlos, son ex, qui n’arrête pas de la relancer. Ils sont pourtant séparés depuis près d’un an, et leur histoire n’avait duré que quelques mois. Mais il faut croire que Juan-Carlos était très accro. Elle a peur, elle sait qu’il peut être violent. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle l’a quitté. Trop de soirées qui tournaient mal, trop de brandy et de vin rouge, trop de gifles… Elle se dit qu’elle n’a pas quitté son Honduras natal pour vivre l’enfer d’une relation violente.

De retour à Figueras, ses amis la laissent devant chez elle. Demain il faut se lever tôt, alors elle demande à son petit copain de rentrer « bien sagement » chez lui. Ils se retrouveront demain au magasin et demain soir, promis, il pourra venir coucher chez elle.

A peine a-t-elle ouvert la porte de son appartement qu’elle se fait violemment pousser à l’intérieur : Juan-Carlos l’attendait quelques marches plus haut, tapi dans l’ombre. Elle tombe à terre. Se relève. Se protège comme elle peut. Mais Juan-Carlos s’est assis. Il est saoul, comme souvent en fin de journée. Il pue l’alcool et la transpiration. Il la dégoûte. Mais elle se dit qu’en discutant, une fois de plus, elle parviendra à le calmer, et il rentrera chez lui. Elle n’a jamais osé prévenir la Police : sa situation administrative est en cours de régularisation. Naïvement, elle a peur de tout compromettre en portant plainte contre lui. Diana a 20 ans.

Juan-Carlos est calmé désormais. Il pleure. Il lui crie sa solitude, son malheur, ses angoisses. Il pensait avoir trouvé la femme de sa vie. Il avait tellement cherché… Il ne boira plus, c’est promis. Et puis c’est qui ce jeune con qui lui tourne autour ? Il fait mieux l’amour que moi, c’est ça ?

Diana est douce. Elle le prend dans ses bras, tente de le rassurer, sans lui donner de faux espoirs. Il est temps de rentrer chez toi. Tu vois, je vis seule, il n’y a personne dans ma vie. Mais je ne veux pas revenir avec toi. Je ne peux pas.

Juan-Carlos se lève, se dirige vers la porte. Elle le raccompagne. Il est déjà 1 heure du matin. Cela fait près de trois heures que dure ce dialogue de sourds, entre cris et sanglots, entre marques d’affection et gestes de rejet. Au moment de franchir le palier, Juan-Carlos se retourne, les yeux révulsés, la haine de nouveau au coin des lèvres. Il se précipite sur Diana. Ses mains puissantes enserrent le cou de la petite Hondurienne. Les traits de Diana se crispent. Sa peau cuivrée pâlit. Elle ne bouge plus. Elle est morte.

Juan-Carlos va se rassoir. Il déniche une bouteille d’anis dans le buffet et il la finit au goulot. Il s’écroule.

Il se réveille quelques heures plus tard. Le corps de Diana git à ses pieds. Il la prend sur ses épaules, la descend jusqu’à sa voiture, ouvre la malle, et la charge à l’intérieur, comme s’il s’était agi d’un de ces sacs de ciment qu’il porte sur les chantiers. Il monte alors dans sa voiture et se dirige vers le commissariat. Il va trouver l’officier de garde et lui dit, dans l’hygiaphone : « j’ai tué ma fiancée, le corps est dans la malle ».

En ce 5 août 2008, Diana est la 37ème femme qui trouve la mort des mains de son conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année en Espagne. L’an dernier, elles furent 73 à mourir ainsi. Cela fait un taux de 0,16 homicides pour 100.000 habitants. L’Espagne machiste ? Oui. Mais le taux en France est de plus 0,20 en 2007. 137 femmes tuées par leur mari dans notre belle France. En 2003, elles furent 180 ! Entre 2 et 3 femmes perdent la vie chaque semaine sous les coups d’un mari alcoolique ou d’un ex trop jaloux.

Cela ne fait que rarement de gros titres. Seulement de belles plaques mortuaires.

Note : récit « romancé » à partir d’une dépêche en ligne sur www.elpais.com

Sources : www.observatorioviolencia.org (en Espagnol) ; www.solidaritefemmes.fr (en Français)


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