Fantasy de Yoann Kavege : deux héroïnes, deux destins, une même claque

Ça fait quelques mois que je voulais lire Fantasy de Yoann Kavege. J’attendais une dédicace dans une librairie en Juin pour le lire et finalement, j’ai raté l’occasion. Un soir, en rentrant du boulot, je passe devant une librairie et j’ai senti que c’était le moment. Il leur restait un exemplaire, celui qui servait de « promotion » avec les avis dithyrambiques des libraires.

Ce que je ne savais pas, c’est que j’allais me retrouver au cœur de deux récits, deux univers, deux héroïnes, pour une expérience de lecture totalement unique. Et je vous le dis tout de suite : c’est aussi audacieux que réussi.

Un concept de lecture original et immersif

Premier choc : la construction du livre. Fantasy se lit dans les deux sens. Oui, littéralement. D’un côté, on commence l’histoire d’Alma, princesse humaine en mission pour tuer un dieu. De l’autre, on commence avec Yourcenar, une géante à qui une prophétie a prédit un amour impossible avec une humaine. Les deux histoires avancent chacune vers le centre de l’album, jusqu’à la rencontre. Et quelle rencontre…

Ce double sens de lecture sert pleinement le récit. Il donne du poids à la narration, du relief à l’univers et un écho thématique fort sur le destin, le libre arbitre et la perception du monde. C’est malin, c’est fluide, et ça fonctionne à merveille.

J’ai fait le choix de commencer par Alma puis Yourcenar, et je suis ravie de cet ordre ! Mais l’autre est tout à fait possible.

Deux récits, deux tons, deux ambiances

Côté Alma, on est dans une quête guerrière, brutale, presque fanatique. On suit une jeune femme endurcie, déterminée, en quête de reconnaissance et de rédemption dans un monde où les dieux sont vus comme des ennemis. C’est tendu, tragique, teinté de politique et de rituels glaçants.

Côté Yourcenar, on plonge dans une ambiance plus contemplative, mélancolique, poétique. La géante vit depuis mille ans avec une prophétie au bord des lèvres, une attente déchirante. C’est un conte sur l’amour, la foi et la solitude, qui m’a littéralement brisé le cœur.

Et le plus beau, c’est que ces deux voix ne se contredisent pas : elles se complètent. L’une apporte des réponses aux zones d’ombre de l’autre. L’une revisite la même scène avec un regard différent. C’est d’une lucidité rare.

Un univers visuel somptueux

Graphiquement, Yoann Kavege fait un travail de fou. Les ambiances sont différenciées avec finesse : couleurs chaudes et intenses pour Alma, tons brumeux et oniriques pour Yourcenar. La composition des planches est dynamique, parfois même vertigineuse.

Chaque détail est pensé : le sens de lecture influe sur les bulles, les codes couleur des dialogues changent selon le monde, et les décors participent activement à l’émotion du récit. C’est beau. Et pas juste “joli”. C’est grandiose.

J’ai même un instant pensé à Bablet !

Une réflexion sur le mythe, l’identité et les choix

Fantasy, c’est aussi une histoire de croyances. De manipulation. De ce qu’on attend de nous. Alma comme Yourcenar sont prisonnières d’un destin qu’elles n’ont pas choisi. Le récit les pousse à le questionner, le déconstruire, et peut-être le briser. Loin d’un simple exercice de style, le livre propose une vraie méditation sur le libre arbitre, la transmission, la violence systémique et l’amour impossible.

Fantasy est une BD comme on en voit peu. Aussi belle dans sa forme que bouleversante dans son fond. C’est un projet ambitieux, réussi de bout en bout, et une véritable expérience de lecture.

Si vous aimez les mythes, les héroïnes complexes, les récits qui vous hantent une fois la dernière page tournée, cette BD est pour vous. Moi, je l’ai refermée en silence. Et j’y repense encore.

BD à retrouver chez Bubble Editions – 29,90€
Date de parution 15 mars 2025
N°ISBN 9782487276048
290 pages
Format 22.9 x 22.0 cm

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