« Nous avons été renseignés sur le fait que beaucoup d’éléments d’organisation de la chefferie chez les Mbum, et notamment le bélakària Mbéré, ont été calqués et institués dans la chefferie Peuhl de Ray à l’époque de Bouba Djouroum, le fils de Bouba Ndjidda. […] En effet, Bouba Djouroum a séjourné pendant 35 ans auprès du Bélaka Mbéré. Il s’était accommodé des us et coutumes Mbum au point de tomber amoureux de la princesse du Bélaka au nom de Mbanri Mbay Mbéré. Mbanri Mbay Mbéré portait le titre de Mbay Mbéré, titre dévolu à la cheftaine des princesses. De l’union de Bouba Djouroum et la princesse de Ngew, sortirent trois enfants : Hama Mbay Mbéré, Mawguina et Ata Mbay Mbéré. Compte tenu du rôle prééminent de la princesse dans la cour, qui ne put se marier ailleurs loin de Nguew, Bouba Djouroum, prince peuhl, se vit obligé de vivre auprès de sa femme en pays Mbum. Maîtrisant et parlant parfaitement le dialecte Mbéré, le Bélaka Mbéré l’appelait affectueusement « mon fils ». Mais, si surprenant que cela puisse paraître, c’est lui une fois parvenu au trône qui vint combattre son beau-père Kirim et le vaincre sur la montagne Nguew. Le séjour prolongé dans la chefferie de Nguew permit à Bouba Djouroum une fois arrivé au pouvoir de copier et d’introduire dans la chefferie de Ray l’organisation sociopolitique des Mbum. »
Ah, quelle histoire! Mais alors quelle histoire que celle du peuple Mbum ! Il y a là de quoi inspirer un immense péplum hollywoodien en plusieurs séries. Tenez-en seulement cet épisode passionnant de Bouba Djouroum et la princesse de Nguew, conté par Olivier Boumane dans son chef-d’œuvre intitulé Les Mbum à la croisée des chemins, notamment dans son premier tome paru aux éditions Dinimber et Larimber sous le titre L’essence Mbum. Tout y est : amour, gloire et beauté, dans le sillage d’Antoine et Cléopâtre, pour exemple. Mieux encore, c’est Hector, c’est le père d’Hector, combattus et vaincus tous les deux par Achille, l’homme qui aimait leur sœur et fille : La guerre de Troie, de la divine Iliade d’Homère. Sauf que dans notre cas, qui pourrait tout aussi bien s’appeler « La guerre de Nguew », nous ne parlons pas de légende, mais d’une légende réelle, un conte vécu, pour ainsi dire, et c’est ce qui rend encore plus merveilleux l’histoire des Mbum.Re-situons-nous dans l’espace et le temps : le Bélakaria Mbéré (i.e. la chefferie Mbéré) se trouve à Touldoro, un village de l’arrondissement de Touboro sur l’axe Mbaïmboum-Hankao-Mbang-Rey-Bélel-Ngaoundéré, au Cameroun. Les Mbéré sont un des multiples clans du grand peuple Mbum. Ils vivent sur cette terre depuis fort longtemps, plusieurs siècles avant Jésus Christ. Lorsque se produit cette histoire, nous sommes au XIXe siècle, précisément à l’époque du Bélaka Kirim, prince Mbéré qui a régné de 1850 à 1878. Les Peuhl arrivés de l’Afrique de l’Ouest comme de gentils bergers en quête de pâturages, à une époque relativement récente, furent accueillis tout aussi pacifiquement sur leurs terres par les Mbum. Mais bientôt les nouveaux arrivants vont se muer en conquérants. Ousmane Dan Fodio, depuis là-bas, a lancé le Djihad. Les Peulh ne laissent pas le choix aux Mbum : l’Islam ou la guerre, l’asservissement, l’esclavage… Richard Atimniraye Nyeladé et Alexis Bindowo le déplorent dans un passage rapporté par Olivier Boumane dans son ouvrage : « Arrivés en tant que pasteurs, et vivant en harmonie avec leurs hôtes, ils (les Peuhl) se sont brusquement transformés en guerriers après l’appel au jihad ou guerre sainte lancé par Ousman Dan Fodio au début du XIXe siècle
