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L'émir est impatient. Il ne sait plus comment dépenser ses pétrodollars. Marre des limousines. Marre des Airbus
A380 tout équipés. Marre du marbre et des soieries de son palais. Alors le cheikh actionne sa parabole motorisée et tombe sur un match de football anglais. Maillots colorés sur fond vert. Chants
du public et stade remplis, l'émir s'emballe. Il fait appeler son conseiller, Jaffar l'obséquieux. "Jaffar, y aurait-il par hasard du business à faire dans ce secteur ? Ça semble amusant ce
passe-temps occidental…", s'enthousiasme t-il. "Certainement Majesté, les plus grandes fortunes du monde investissent dans le football anglais, achètent une équipe, la font quoter en
bourse…"
"Par les sept piliers de la sagesse et les babouches du grand Lawrence ! Il m'en faut une et la meilleure ! Tiens Jaffar,
achète-moi l'équipe d'Angleterre !" Un sourire poli se dessine sur le visage olivâtre de l'éminence grise. "Ô Maître, il est impossible d'acheter les équipes nationales, mais les clubs
des villes, ça oui !". L'émir se gratte la barbe. "Alors je veux le plus grand club de Londres, la capitale !" Ams, tram, gram, bour et bour et bour sadam… Le cheikh hésite :
Arsenal ? Newcastle ? "Et Manchester, j'ai déjà entendu ça, Manchester ! C'est pas mal… Un grand club de Londres !" Jaffar reste imperturbable. "Ô seigneur, Manchester n'est pas un
quartier de Londres mais une ville du Nord de l'Angleterre qui a deux clubs…"
"Bien, j'achète les deux !" s'exclame avec impatience le seigneur du désert. "United n'est pas à vendre, mais son
rival, Manchester City, lui peut-être…" avance Jaffar. "Bien, je prends tout : le stade, les supporters, les joueurs, tout ! Allez, 260 millions d'euros et on n'en parle plus",
décide le cheik (de but) en blanc. "Attention, prévient Jaffar, un club, c'est comme une limousine, pour qu'elle avance, il faut lui mettre de l'essence dans le moteur et cette
essence, ce sont les joueurs, il en faut tout le temps des nouveaux…" "Soit… voilà 123 millions d'euros pour les faux-frais, mais je ne veux que les meilleurs !" Jaffar s'incline :
"Il sera fait selon votre volonté, Ô sage entre tous les sages". Jaffar s'apprête à se retirer, son maître le rappelle. "Une dernière chose, quand tu auras bouclé cette affaire en
Angleterre, ramène-moi une de ces drôles de chemises brillantes que les joueurs portent sur le terrain…" Jaffar hoche la tête : "Un maillot, seigneur… Cela s'appelle un maillot et je
pense même que le club vous en offrira un avec votre nom dans le dos…" Le cheikh bat des mains : "Allez Jaffar, vole mon fidèle conseiller, va acheter ce club anglais. Et ne traîne pas
en route, j'ai hâte d'avoir mon beau maillot !" L'émir sourit. L'émir est heureux. Manchester City appartient à Abu Dhabi. Ainsi va la vie dans le monde merveilleux du football en 2008…