Magazine Humour

L’est tout péri

Par Frédéric Joli

L’est tout péri, l’est tout péri !

- Diable, qui est mort, mon bon ?

- Ben, l’été, patron.

- Fernand… Tu veux dire : l’été pourri.

- Oilà.

Et Fernand déprime, le bide contre le balustre de pierre, à regarder le parc se tremper de pluie. Mon bon, ces jours-ci, grise des joues et marche voûté, non en gothique, plutôt en roman. Il a l’envolée d’Atlas fourbu, ahuri par le poids d’un si médiocre été. Il traîne une odeur complexe, toute d’oisiveté, que son peignoir crasseux diffuse à satiété. L’est tout péri rumine-t-il depuis des lustres, les glands des mules aussi tristes que chat surpris accroupi à la caisse. Bon, il faut faire quelque chose, que diable !

Je mande Aurore, l’envoie dans les pelouses ternes et gorgées du parc en silence. Elle danse et fasseye en langue de brume un peu tiède. Mata Hari (qui occupait jusque là son blues à compter les feuilles du grand tilleul) la rejoint en orientaux entrechats. Elles se bisbillent la lumière, astiquent avec conviction chaque photon. Ha les bonnes fées, il faut les entendre s’égosiller en mélopée à beat “L’est tout péri, l’été pourri, l’est tout péri, l’été pourri”. Et le voilà, né de ce chant, enfin, le beau et chaud temps de juillet. Elles le centrifugent doucement jusqu’aux limites de nos terres.

- Houlà, pas plus loin malheureuses, hurle-je depuis le balustre des hauts du château inondés de soleil. On se le garde pour nous ce beau temps-là. Que pour nous. 

-  Chouette, patron.

- Fernand, mon transat, mes lunettes et ma sieste, je te prie. Tu iras ensuite te laver ; la chaleur de juillet te rend pénible au nez.

- Pfffffff, patron.  


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