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Fenêtre sur la nuit.

Publié le 07 septembre 2008 par Princesse101

La fenêtre est rectangulaire. Tout en longueur. les deux panneaux sont grand ouverts. Je suis assise, les bras croisés au repos sur le bord de la petite balustrade en fer forgé. Il est tard dans la nuit. Devant moi, la ville, l'obscurité, et les voies ferrées se mêlent: celles de la gare d'Austerlitz avec celles du RER C. Mais les voies sont au repos. Aucun train ou presque ne vient troubler la nuit. Je laisse mes yeux passer d'un lampadaire à un autre. La douce lumière orange atténue l'encre noire du ciel. Les arbres soigneusement alignés émettent un doux bruissement continu face aux attaques répétées du vent. Mais je n'ai pas froid. Je ne suis pas là. Mon esprit est libre, et vagabonde de rail en rail, le lampadaire en lampadaire, d'arbre en arbre, de néon en néon. Au loin, les lumières rouges du MK2 cassent la monotonie bichrome noir orangée. Une camionnette s'aventure à vive allure sous ma fenêtre. Les pompiers. Mon regard se pose quelques instants sur les barrières le long de la voie. Le grillage longe le trottoir. Un grillage haut, dressé comme un mur infranchissable. Qui est séparé de qui? Qui est enfermé, et qui est libre? Question de point vue. Aucune réponse ne détient la vérité. Je distingue une silhouette au loin sur l'Avenue de France. Le pas est pressé. Je m'attarde quelques secondes à essayer de deviner d'où cet homme vient, et où il va. Mais mon esprit n'arrive pas à rester concentré très longtemps, il passe d'un point à un autre, librement, je ne le retiens pas. Je veux rêver à nouveau. Je veux être capable de ne "rien" faire. C'est un premier exercice, assise ici  en pleine nuit. Une voiture descend la rue en sens inverse et m'arrache à mes pensées. Je me laisse happer par une pensée négative, la déception. La pensée de déception est un jugement qui ne fait souffrir qu'une seule personne, celle qui la décide. Halte. Je n'irai pas plus loin. Doucement, je donne du leste à mon esprit, je le détache, et le laisse partir au loin. Cette fois ci, là haut, vers les étoiles. Le ciel est dégagé. Je me perd dans l'immensité obscure et constellée. Le temps passe mais ne compte plus. Avoir les yeux rivés vers les profondeurs célestes me donne un léger vertige. Une ivresse de l'infini. Je me laisse doucement bercer par le tourbillon du vide. Un groupe bruyant de jeunes me rappelle sur terre. Pareil, que font-ils dans ma petite rue, à cette heure ci? Les filles sont toutes pimpantes et souriantes, ivres de leur jeunesse à peine entamée. Les garçons bruyants et fêtards, insouciants et légers. En les regardant s'éloigner je ne peux m'empêcher de penser à ces vers de Ronsard: "cueillez cueillez votre jeunesse, comme à cette fleur la vieillesse fera ternir votre beauté." Et la vie fera ternir votre insouciance. Un train de marchandise passe. Le bruit et les vibrations sont une provocation au silence apaisant de la nuit. Je me lève. Et je referme la fenêtre. Tout disparait, les lumières, la brise, l'immensité du ciel, les lumières, les rails. Restent les quatre murs. Et le lit.   

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