Magazine Beaux Arts

Interview de Alexone

Publié le 14 octobre 2025 par Paristonkar @ParisTonkar

Peux-tu te présenter

En quelle année es-tu né ?
En 1976.

As-tu fait des études artistiques ou de dessin ?
On ne peut pas vraiment dire ça. Après avoir été viré du lycée, j’ai essayé de suivre des études de publicitaire maquettiste… où, bien sûr, il y a une ouverture vers le dessin. Mais bon, ça n’a rien à voir avec les écoles de dessin ou les Beaux-Arts, Arts Déco… malheureusement.

Es-tu originaire de Paris ou de sa banlieue ?
Banlieue parisienne.

Interview Alexone

Les débuts

À quel moment as-tu connu (ou vu) tes premiers tags et tes premiers graffs ?
Quand je rentre au collège, vers 12-13 ans. Il y a un Boxer et quelques autres tags ou inscriptions sur le chemin du collège… mais je ne comprends absolument rien ! J’en fais même toute une histoire, du genre « ce sont des bandes qui se donnent rendez-vous » et écrivent des trucs codés.

Mais le voile se lève vite : en salle de dessin, des graffeurs du coin, les ODC, viennent peindre ; Greg de la Longue Posse fait un mur sous le préau, et le prof de dessin sort Spraycan Art et Subway Art en plusieurs exemplaires. J’ai même pu en ramener un chez moi le week-end ! Jusqu’à ce que mes grands-parents m’en offrent un pour Noël.

Où ?
Comme le dirait MC Solaar : tout a commencé dans la ville de Maisons-Alfort.

Avec qui ?
Notch, Losk, Fakse, Pakson, Oxide, Taser… ceux dont je me rappelle, car ma mémoire me fait un peu défaut.

As-tu commencé à ce moment précis ou bien après ?
Tout s’est fait crescendo. Je me souviens avoir trouvé un « quinze » en jouant au foot (sûrement balancé par-dessus un mur par un tagueur coursé). Avec un pote, on se le partageait un jour sur deux. Puis on a découvert les « barrannes », et on a à peu près essayé tout ce qui pouvait laisser les traces les plus grosses possibles.

J’avais toujours un marqueur Onyx en métal dans la poche. Ensuite, le Posca est devenu notre favori, et c’est là que la recherche d’encre indélébile a commencé. C’est aussi le moment où je suis vraiment passé à la vitesse supérieure — la découverte du métro, où il n’y avait déjà plus de place dans les premières classes… On doit être au début des années 90. Je fais tout step by step, sans jamais imaginer faire des graffs, même si j’avais déjà quelques bombes que je n’osais pas trop utiliser. Je préférais le marker, surtout parce que je traînais dans le métro toute la journée. Je me souviens qu’on vidait deux « quinze » chacun par jour.

Quand as-tu commencé à taguer et à graffer ?
Difficile à dire avec certitude. J’ai commencé avec 5 ou 6 bombes, à faire un petit perso tous les mois. Ce n’était pas sérieux. On était tous tagueurs, et quand l’un faisait un graff, on allait tous le voir.
Je crois avoir commencé plus assidûment quand j’ai trouvé un bon plan pour sortir des Motip par dizaines. C’était à la sortie des premiers 1Tox. On rêvait devant ces peintures impossibles à égaler.

Tu étais seul ou avec des copains ?
Toujours au moins un pote pour aller graffer.

Où as-tu peint la première fois ?
Quai de la Gare. Arrêté deux fois par la police, mais la pièce était fièrement finie ! C’était avec des Sparvar « tapées » au bahut pendant qu’ils repeignaient la salle de dessin.
Pas de photo, évidemment : mon pote, qui en avait un, n’a pas trouvé ça assez bien pour user une pellicule.

Et ton premier tag ?
Sûrement dans les toilettes ou les couloirs du collège.

Interview Alexone

Le pseudonyme

ALEXONE est ton pseudo depuis le début ?
Même avant. Je me souviens de cette mode de mettre son nom et de rajouter le fameux « one » (dont je ne connaissais même pas la signification !). Mais dès que j’ai commencé à écrire dehors, j’ai eu pas mal de noms différents, dont je ne me rappelle même plus la moitié.

Lesquels, par ordre d’apparition ?
Ahahah, je ne sais plus trop… Il y a eu du Lean, Œdipe, Moket, Mash, Iktus, P-Risoli, B-Menez… et pas mal d’autres conneries pas très sérieuses. Mon délire, c’était surtout d’écrire, peu importe quoi. J’aime l’encre qui glisse sur la surface, c’est pour ça que le métro a toujours été mon terrain préféré pour le tag.

Les premiers graffs à Paris et en banlieue

Quand as-tu commencé à peindre pour que les gens le voient ?
Comme je le disais, j’étais plus du genre à en mettre dans de petits coins. J’aimais les tagueurs multi-styles, avec plein de marqueurs différents, plutôt que ceux qui se plaçaient en gros à un endroit. Mais je dirais que j’ai vraiment commencé à graffer vers 1993-1994, avec la rencontre de Nex, venu faire ses études à Paris. On faisait le tour des terrains, une couleur et un chrome au moins par semaine, pépère.

Où peigniez-vous ?
Partout, sans district particulier. Parfois, on traînait avec des bombes en attendant de trouver un endroit où peindre.

Qui as-tu croisé à cette époque ?
Pas mal de gens, mais j’ai toujours préféré regarder ce que faisaient les autres. J’avais un appareil photo à cette époque, je faisais des photos pour les potes qui ne montaient pas sur Paris — tirages en double, ils me payaient les copies.

As-tu peint avec des graffeurs connus comme Bando, les BBC, JonOne… ?
Je n’avais vraiment pas le niveau pour me mesurer à aucun de ces graffeurs dont je voyais les peintures. Parmi eux, le seul à avoir été avenant et sympathique envers le jeune graffeur que j’étais, c’est SHARP, en me montrant son book.

As-tu peint des métros, RER ou trains en France ?
Juste ce qu’il faut pour savoir de quoi on parle au niveau des trains, mais jamais de pièces sur RER ou métro.

As-tu peint à l’étranger avant 1998 ?
Oui, un peu en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne, sur la plage.

Entre les débuts et 1998

Après 1996, je commençais à maîtriser l’outil. J’ai pas mal voyagé en France et fait des connexions : c’était plutôt sympa pour un Parisien, là où tous les murs étaient saturés.
Je me retrouvais à faire de très grands murs en plusieurs jours — grande peinture chiadée le jour, rails et compagnie le soir : Troyes, Nantes, Grenoble, Toulon, Niort, Dunkerque, Bordeaux…

Le premier graffeur à Paris ?
En termes de débuts, je dirais Bando. Sinon, plusieurs noms m’ont marqué pour différentes raisons : Click, San, Degré, Jackson, Moze (ODC), Ed One, Cléon, Colorz, Psy…

Les endroits où l’on peignait le plus à tes débuts ?
Quai de la Gare, Bastille, le 20e, Place Clichy, Porte d’Orléans, Malakoff, Brochant, Montreuil, Nanterre… Il y avait tellement de terrains que c’était l’embarras du choix. Quand j’y repense, c’était dingue.

Ton premier crew

Peux-tu nous en parler ?
Analphabète Crew (AC) — tout est dans le titre

😉

Ensuite, il y a eu d’autres crews plus « débiles » comme DDK, ou encore ADK et SO (Staff Only), plus orientés graffeurs. Après, j’ai rallié pas mal de crews de province : ESC, SP, HOP, HCF… Mais je ne me suis jamais trop identifié à un crew : c’était plus des histoires de rencontres que de représentation.

Des problèmes avec la justice, la RATP, la SNCF ?
Non, j’ai toujours fait attention et gardé un profil bas quand il le fallait.

Les années 90

Après mes études, j’ai fait pas mal de petits boulots, souvent liés à la déco ou à la peinture, surtout en province.

Faisais-tu des graffs dès que tu avais du temps libre ?
Oui !

Tu continuais illégalement ?
Bien sûr, mais sans jamais le dire ! Je ne me suis jamais posé la question du légal ou de l’illégal : je peins où je veux.

Quelles études suivais-tu ?
Jusqu’en 1996-1997, des études pour devenir graphiste. C’est là que j’ai commencé à bloquer sur la typo. Vers la fin des années 90 et début 2000, j’étais graphiste et DA dans des agences de multimédia ou de pub, des start-up… Je ne suis jamais resté plus de 8 mois ou un an. Emplois précaires qui me permettaient de voyager ensuite (Canada, festivals hip-hop un peu partout en France et en Europe).

Les années 2000

Je suis devenu plus peintre. Les festivals hip-hop proposaient souvent une expo, donc j’ai commencé à développer un travail sur toile, carton, bois, au pinceau. Tout a commencé quand je me suis cassé le pied vers 1995/96 : impossible de graffer, donc j’ai attaqué mon armoire et mon bureau au pinceau.

En 2001, mon agence licencie, je demande à partir : quatre mois pour préparer une exposition, payé autant que mon boulot — banco. Je rencontre Jean Faucheur, qui m’initie à la technique de l’affichage. C’est le moyen parfait pour remettre de la couleur dans la rue tout en préparant la peinture en atelier.

À force, je fais de plus en plus d’affiches, de peinture, et je veux préparer une expo plus sérieuse. Impossible de me payer un atelier à Paris, donc je pars à Bruxelles.
Je pensais y rester 3-4 mois… j’y suis resté plusieurs années. Mon appart devient mon atelier, je fais des expos, des projets un peu partout en Europe.

J’ai aussi mis mon expérience bruxelloise en images dans un livre que j’ai entièrement mis en page.

Interview Alexone

Les images sont © Alexone.


Retour à La Une de Logo Paperblog