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Flaubert et la prostate

Publié le 07 septembre 2008 par Argoul

La Journée Nationale de la Prostate aura lieu le 15 septembre 2008, comme nous informe Zérotonie, ex-blogeuse du monde.fr reconvertie dans une agence de communication santé. La pré-campagne dite « virale » (joli jeu de mot !) vise à informer les hommes sur un organe qu’ils connaissent mal. « Parce que certaines choses méritent plus d’attention que d’autres… », dit-elle. Avec deux vidéos trottoirs assez marrantes : tant de sérieux dans les réponses ! tant d’ignorance parascolaire ! toujours le besoin de répondre, même quand on ne sait pas.

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Flaubert aurait été d’accord, lui qui se préoccupait de la chose. Il écrivait en langue verte, à son ami Ernest Feydeau : « Ta sacrée queue te mènera au tombeau, mon bonhomme. Tu commences à avoir des infirmités de vieillard, résultat funeste de tes débauches précoces. Prends garde, jeune homme. Prends garde, tu es sur une pente ! La prostate s’affaiblit, ça va gagner la moelle épinière. D’ici à six mois, tu pisseras dans ta culotte. Les érections vont devenir rares, horizontales d’abord, puis obliques » (3 août 1859, Correspondance III 33). Le message est d’amitié virile, comme il était bon d’en afficher en ce 19ème trop prude où la science du corps laissait encore à désirer… (« la moelle épinière », fichtre !). Ce même Gustave signait une lettre à un autre de ses amis, Louis Bouilhet, d’un fraternel « je te presse les roustons » (19 septembre 1860, Correspondance III 114).

Le message de l’agence de communication est aujourd’hui le suivant :

« Cette campagne s’inscrit dans le cadre de la Semaine Européenne de l’Urologie, en partenariat avec l’European Association of Urology.

Cette année, l’accent sera mis sur la santé plutôt que sur les pathologies, avec une campagne dynamique et humoristique, fondée sur de nouveaux outils et tournée vers les hommes de tous âges, afin de les inviter à s’intéresser à leur prostate avant qu’elle ne se manifeste par quelque trouble.

En effet, contrairement aux femmes qui prennent l’habitude, dès leur plus jeune âge, de prendre soin de leur corps et de leur santé, en allant consulter régulièrement un gynécologue, les hommes découvrent souvent tard, en raison d’une pathologie, un appareil reproducteur qu’ils ne connaissent pas bien.

Le premier épisode d’un micro-trottoir réalisé auprès d’hommes de tous âges traduit bien ce flou. Nous vous invitons à découvrir la première partie de : « Ce que vous savez sur la prostate » en cliquant sur l’un des deux liens suivants :

http://www.kewego.fr/video/iLyROoafYcxG.html

http://fr.youtube.com/watch?v=er-pwtXnGxE

Service de presse et de communication : MHC Communication, Marie-Hélène Coste / Véronique Simon, 38 avenue Jean Jaurès, 94110 Arcueil, tél. 01 49 12 03 40, courriel [email protected] »

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On peut préférer le style direct de Flaubert, grand admirateur de Rabelais qui n’y allait pas par quatre chemins. Les deux s’y connaissaient, comme la plupart des hommes, sur le fonctionnement et les pathologies de leur appareil reproducteur. C’est peut-être notre époque de pruderie petite-bourgeoise qui place les tabous là où il ne faudrait pas. Malgré le mythe de la Grrrânde Révolutiôônnne de mêêêê 68 dont on fait tant de cas. Gustave Flaubert, lundi 18 juillet 1859, étale les références littéraires communes, de Choderlos de Laclos à Sade pour Ernest Feydeau : « Eh bien ! vieux lubrique, vieux Valmont, vieux Cardoville, infect Noirceul et père Jérôme, souilles-tu suffisamment le département de la Haute-Garonne ? Emplis-tu les ravines des éjaculations de ton indomptable broquette ? Combien de chèvres as-tu déshonorées, combien de caméristes séduites, de pâtres violés et de tables d’hôte éblouies ? (…) Terrifies-tu les bourgeois ? Soutiens-tu un peu les principes ? » (Correspondance III 31). Signe que dame La Prostate tient son rôle dans la vie d’un homme !
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Matériellement, la prostate entoure la partie initiale de l’urètre et est traversée par les canaux éjaculateurs. Elle n’atteint son développement qu’au moment de la puberté en secrétant un élément du sperme. Ce que semblent ignorer les femmes du temps de Flaubert. Comme quoi une campagne est toujours utile, même si elle ne touche pas forcément ceux qu’elle vise. « Cette anecdote que m’a narrée, tantôt, mon médecin de Croisset. Il venait d’être appelé près d’un moutard de sept ans affligé d’un paraphimosis [étranglement du gland par un prépuce trop étroit], résultant de masturbation exercée sur lui par une femme de 40 ans ! Ladite villageoise recueille des petits malheureux, dont elle fait à la fois des domestiques et des godemichés. Car c’est en frottant sur son clitoris (supposition du docteur) la quiquette du pauvre garçon qu’elle l’a élevée jusqu’à la hauteur d’une pine d’âne – que je te souhaite » (Lettre à Ernest Feydeau, 15 mai 1859, Correspondance III 21). Oui, c’est bien du Flaubert, un grand classique de notre littérature - dont le système scolaire avait pourtant quasi réussi à nous dégoûter – qui est ainsi drôle et vif. Sa Correspondance est un plaisir de lecture.

Il n’aimait pas les idées reçues.

Gustave Flaubert, Correspondance janvier 1859-décembre 1868, t.III, édition Jean Bruneau, Pléiade, Gallimard 1991, 1727 pages. 


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