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Trace Urbain V

Publié le 20 octobre 2025 par Alexcessif
Trace Urbain
Je suis qq part entre Saint Flour et Avignon sur la trace du pape Urbain V, le GR 670. La chanson de Cabrel me hante, je fais diversion en marmonnant les décimales de Pi c’est le moyen que j’ai trouvé pour occuper le vide mental de mon exil de marcheur. En impro totale cette fois est pire que les autres. Une signature: pas d’endroit où dormir, 7 kilos de bagage sans réchaud ni provisions ni vêtements de rechange. Sur le GR 20 j’avais suivi les conseils des pros: bâtons de marche et gites réservés incluant tentes et repas chauds sur des étapes formatées. Tout ce que je déteste des voyages organisés mais, au regard de la difficulté de ce chemin, faire différemment eut été suicidaire. 
Trace Urbain

La chanson de Cabrel c’est « Octobre »: Le vent fera craquer les branches, la brume viendra dans sa robe blanche, y aura des feuilles partout couchées sur les cailloux, Octobre tiendra sa revanche. « Octobre » et « revanche ». J’ai décidé une fois de plus, peut-être une fois de trop, de confronter mon petit corps avec la nature. En octobre les nuits sont fraîches et elles tombent de bonne heure. A se retrouver au milieu de nulle part, dresser un bivouac et lire, en guise de dîner, un bouquin à la frontale dans une tente de 90 centimètres de haut sur 80 de large et 1.90 mètre de long, les nuits sont interminables. Accroupi pour qq étirements le reste du temps allongé, couché pas bougé comme un clébard dans sa niche attendant la gamelle et le lever du jour maître de ma distance et de ma direction pour décamper au sens premier du terme. J’ignore quel jour nous sommes mais c’est mon 7ème bivouac la troisième épicerie mais toujours pas de douche ni d’hôtel. 7 comme la durée de vie d’un slip, 7 comme 7 Bisoprolol et 7 Résitune le matin et 7 Atorvastatine du soir car désormais mes étapes sont calées sur des pharmacies. En Corse je ne l’aurais pas tenté. Même si entre Vizzavonne et Conca j’ai commis qq bivouacs sauvages, en altitude certes et en Juillet à qq heures de marche d’une bergerie et d’un café chaud je me suis « organisé » pour ne pas être fait prisonnier par la nature. Ici, je suis plus proche du clodo que du randonneur, les flics m’ont déjà intercepté lorsque mon bivouac était visible mais je n’ai pas rencontré un Brian Dennehy le shérif chassant Rambo de «  sa » ville. Je joue au con méprisant confort et  sécurité avec un bâillon sur l’instinct de conservation car je viens d’identifier une présence dans ma tête: la peur! J’ai pas mal triché avec les mots avant de la nommer à coup de métaphores. Une silhouette au pied du lit, immense, large d’épaule, raté je me suis aperçu que c’était une armoire juste avant de lui inventer une capuche et une vraie faux sur l’épaule! Un Minotaure prêt à me dévorer dans le labyrinthe de mon cerveau? C’est Ronronnette qui trouvait la sortie en me tirant de mon sommeil! Comme souvent c’est grâce ou à cause d’une chatte que la lucidité me trouve. Dans l’appartement, elle tourne en rond, elle s’ennuie — Tiens je suis déjà passée par là, cette table de salon me dit qq chose, ce piano est muet encore un jour de trop, ces fleurs sont fanées, il faudrait que je fasse la poussière, j’en ai marre de ces croquettes, où est passée la télécommande, t’as pas vu ma carte vitale? … de sorte que moi aussi je suis le personnage perplexe d’Aurore Dupin faisant des ronds autour de la mare au diable d’une décision. Il était temps de fuir, avec ou sans moi toutes les chattes s’ennuient. L’ennui, c'est mortel mais c’est le deal, on va tous y passer. Tellement évident que l’on n’y pense pas ou plus mais à qq indices on constate que l’on ne fait que ça, y penser. La mort est tonitruante. Elle nous envoie les faire part d’inconnus célèbres dont la disparition nous affecte ou pas mais nous rappelle qu’elle rode. Tiens j’ai tenu plus qu’Ardisson et moins que Badinter, plus fort que Elkabach mais moins que ce tricheur de Romain Gary et les frères Bogdanov. Johnny c’est fait mais Hardy, Dutronc, Mitchell, mourus, pas mourus? J’ignore depuis quand mais je sens qu’Elle approche. Le père est sur la liste mais j’ai bien failli lui piquer sa place avec cet infarctus venu de nulle part, impossible à prévoir et à omettre à cause de cette putain d’ordonnance du cardiologue. Le respect, ou la trouille, me sont venus tardivement, je ne dis plus « le vieux » de peur de dire « le mort ». Je me souviens du randonneur à cheval désormais incapable de marcher et se pissant dessus, même pas malade, juste épuisé, au coucher souhaitant que demain lui épargne de se lever pour une humiliante journée inutile. Je vis comme un privilège et ne me lasse pas de lacer mes souliers tout seul et de marcher des heures sans claudiquer, je suis curieux de l’aboutissement des dossiers en cours. Mars, c’est pour aujourd’hui ou pour demain? Sommes-nous seuls dans l’univers? Combien tiendra ce gouvernement? Le petit Manu retrouvera-t’il les joyaux de la couronne? 

Qu’est - ce qui me/nous re.tient? La curiosité, sans aucun doute! Concept qui indiffère les chattes de compagnie

C’est pour cela que j’attends de pied ferme le lever du soleil affamé et transi de froid qq part entre Saint Flour et Avignon. Je ne connais pas d’autre moyen de me sentir vivant. "Certainement appuyés sur des bancs, Il y aura quelques hommes qui se souviennent et des nuages pris sur les antennes, je t'offrirai des fleurs et des nappes en couleurs pour ne pas qu'octobre nous prenne"

Pendant ce temps, là-bas vers le nord, le petit Nicolas se fait belle pour un Tinder sous la douche à la Santé

Deux pas dans l’absurde—Paris— Octobre 2025

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