Dès la création des chaussures de ski Dodge, l'objectif était d’offrir des chaussures de ski alpin en fibre de carbone. L'idée était que les skieurs de compétition avaient besoin de chaussures ultra-rigides pour skier sur neiges très dures et glacées sans perdre de puissance lors des transferts. Hélas, le succès ne fut pas au rendez-vous et ses dirigeants devaient fermer boutique en mai 2025 avant de prendre leur retraite.
Pourquoi cette entreprise a-t-elle échoué ? En 2009 Dave Dodge, un ancien ingénieur chez Rossignol à Williston, dans le Vermont, avec qui j’avais collaboré quand je travaillais encore avec les chaussures de ski Lange, connaissait parfaitement le ski, la compétition et l'industrie en général. Il s’était alors associé à Bill Doble et tous deux avaient entrepris de révolutionner le ski alpin avec des chaussures de ski en fibre de carbone, une rupture audacieuse avec les modèles traditionnels en thermoplastique qui avaient dominé le marché pendant des décennies.
Malgré son innovation et une clientèle fidèle, l'entreprise n'a pas pu survivre et a finalement dû fermer ses portes en début d'année. Voici d’après moi ce qui s'est passé. D'abord, ils ont tenté d'apporter un changement radical sur un marché très conservateur. Il est vrai que les revendeurs et les utilisateurs de chaussures de ski sont notoirement réticents au changement. La plupart privilégient les petites itérations et sont sceptiques face aux nouveaux concepts. Les chaussures en fibre de carbone, bien que plus légères et plus rigides, offraient une sensation très différente par rapport aux chaussures traditionnelles en plastique, ce qui a pu rebuter certains utilisateurs.
La chaussure était incroyablement rigide et transférait probablement trop d'énergie du terrain au pied, la rendant inconfortable. Cette rigidité inhérente s'accompagnait de problèmes d'ajustement et de confort, la fibre de carbone n'offrant pas la même marge de confort que des chaussures parmi les plus rigides en polyuréthane, ce qui rendait leur adaptation au pied beaucoup plus complexe. Certes, Dodge proposait des services d'ajustement sur mesure, mais cela alourdissait encore le processus d'achat et s’opposait à une grande diffusion. Seul Warner Nickerson, un skieur du New Hampshire, était sur la chaussure et a participé à des courses FIS et Noram jusqu’en 2016.
Bien sûr, le prix élevé des chaussures constituait un autre obstacle important, car elles étaient nettement plus chères que les modèles classiques, souvent vendues à plus de 1 000 dollars. Leur coût de production trop élevé condamnant en fait la viabilité du projet. Un attrait limité aux coureurs d'élite ou aux passionnés de ski, et pas adapte aux besoins et désirs des skieurs moyens, a aggravé la situation, sans parler d'une distribution et d'un marketing limités qui ont contraint l'entreprise à compter presque exclusivement sur la vente directe aux consommateurs et le bouche-à-oreille.
Sans partenariats majeurs avec la distribution ni marketing agressif, Dodge Boots a peiné à toucher un public plus large et a été contrainte d'annoncer la fermeture de l'entreprise au printemps dernier par courriel. Les fondateurs, Dave et Bill ont indiqué que, bien qu'ils soient ouverts à la recherche d'un repreneur pour poursuivre l'activité, aucun candidat n'était en vue au moment de l’arrêt de leur activité.
Dans leur message d'adieu, ils ont déclaré : « Nous espérons que quelqu'un voudra reprendre l'entreprise, mais nous n'avons personne de disponible pour le moment… » Cela indique que la fermeture n'était pas purement financière, mais aussi liée à la transition de direction et à la décision des fondateurs de prendre leur retraite. Dave m'a confirmé quelques jours à peine, qu’il cherchait toujours quelqu'un pour reprendre le flambeau et poursuivre son rêve …
