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Un rendez-vous particulier, de Martina Chyba

Publié le 20 novembre 2025 par Francisrichard @francisrichard
Un rendez-vous particulier, de Martina Chyba

À l'homme des marches du Sacré-Coeur,

... cette histoire faite de choses complètement vraies, de choses demi-vraies, de choses demi-fausses, de choses complètement fausses, de choses vécues, de choses vécues par d'autres, de choses jamais vécues, de choses qu'on espère vivre et de choses qu'on n'espère jamais vivre. Ne compte que la sincérité.

Avec une telle épigraphe, il est vain pour le lecteur de vouloir démêler le vrai du faux, le vécu de l'imaginé dans ce roman, si bien que l'auteure, un tantinet exhibitionniste, ne dévoile en réalité que ce qu'elle veut bien, même si elle ne cache pas grand chose.

Le lecteur saura assez vite, au détour d'une phrase, que le patronyme de l'héroïne signifie erreur en tchèque, c'est-à-dire Chyba - c'est du moins ce que lui dira l'ami Google, et vers la fin du roman, ô surprise, qu'elle se prénomme Martina, comme l'auteure.

Le lecteur apprendra l'importance pour cette quinqua du dédicataire de l'épigraphe, jamais autrement nommé: elle l'a rencontré sur les marches du Sacré-Coeur, à la suite d'Un rendez-vous particulier, pris en ligne, au bout de... dizaines d'échanges avec lui.

Au fil de sa lecture trois autres personnages, proches de l'héroïne, lui deviendront familiers: son ami Max, qui, en réalité, s'appelle Armand, son amie Sixtine, et son psy, le Dr David Maunoir, qui lui donne du Chère Madame, pour conserver quelque distance.

L'amitié entre la narratrice et Max est la preuve qu'une telle relation peut exister entre une femme et un homme, car il n'y aura jamais entre eux autre chose que de l'amitié, ce qui ne veut pas dire qu'un tel lien ne puisse pas être fort, le prologue, si besoin, en atteste.

Car elle accepte de l'accompagner chez l'urologue: il n'a pu le demander ni à son ex-femme, qui vient de "sortir" de l'hétérosexualité comme on sort d'une pièce en claquant la porte, ni à sa fille qui se fout complètement [...] du système reproductif de son vieux père.

Sixtine est sa meilleure amie. Originaire pourtant d'une commune bourgeoise, c'est-à-dire protestante, où tout est comme il faut à l'extérieur et blet à l'intérieur, celle-ci n'hésite pas à mettre les mots les plus directs sur ce que tout le monde voit mais n'exprime jamais.

Le Dr Maunoir est un psy original. Plutôt que des antidépresseurs, ou autres médications, il lui prescrit des tableaux, des sculptures, des oeuvres d'art, qu'elle doit voir en vrai: au musée, on vit une expérience avec un objet réel, le vrai, celui que l'artiste a transformé.

Son histoire est racontée avec beaucoup d'humour et d'autodérision. La narratrice en a, heureusement. Car, pour cette femme, qui ne puise pas sa force dans une foi religieuse, la vraie vie ne réservant pas que des bonnes surprises, ce sont des bouées de sauvetage. 

L'autre moyen de surmonter les épreuves, qui seront pour elle autant de deuils, au sens propre et figuré, c'est d'aller partout dans le monde dans des musées où l'envoie son psy et de répondre à cette question: En quoi ce que je vois peut-il me donner de la force? 

Un jour, elle se fera ses propres prescriptions. En attendant, elle conviendra, dans un monde bien imparfait, où femmes et hommes se complètent, surtout quand ils n'ont rien en commun, qu'elle et l'homme des marches du Sacré-Coeur s'accordent sur l'essentiel.

Francis Richard

Un rendez-vous particulier, Martina Chyba, 288 pages, Éditions Favre


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