Le mot anglais trash peut être traduit en français par déchets, c'est-à-dire, par extension, par poubelle. Le titre de ce roman, initialement publié en l'an 2000, peut donc être littéralement traduit par poubelle suisse. Ce qui n'est guère engageant.
Toute société a son envers. La Suisse n'y échappe pas. Ici, comme partout, rien n'est jamais tout rose, même si la couleur de la couverture pourrait indûment le laisser présager. Car il s'agit d'un roman plutôt noir que rose, la couleur cliché du féminin.
Des femmes en sont les protagonistes. La couleur rose n'est sans doute pas fortuite. Ce serait en quelque sorte l'avers de la médaille d'une histoire qui se déroule de février 1989 à janvier 1993, petite révolution dans leur vie, deux siècles après l'Autre.
Parmi ces femmes, quatre, semble-t-il, sortent du lot: Cathy, Marie, Gloria et Constance, encore que cette dernière soit d'un genre particulier. En effet cette femme est une mutante. L'auteure emploie pour la désigner l'expression d'andro-femme.
Aucune de ces femmes n'appartient à la haute. Au début de l'histoire, Cathy travaille à La Chaux-de-fonds comme ouvrière dans l'industrie horlogère, Marie et Gloria à Genève comme infirmières dans un hôpital, et Constance touche des allocs...
Elles ont un point commun: la misère morale, qui ne va souvent pas sans l'autre, la misère tout court. Leurs relations qu'elles ont avec les hommes ne valorisent ni elles, ni eux. Deux mots pourraient les résumer: sexe pour toutes et drogue pour l'une...
Un ingrédient supplémentaire ajoute encore de la noirceur à cette histoire: la violence, qui n'est d'ailleurs pas exclusivité masculine, ne serait-ce que grâce à la présence hormonale de Constance qui, à l'occasion, ne se prive pas de faire le coup de poing.
Cette histoire est tragique. Ainsi, au fil du récit, sur fond musical de ces années-là, des morts se produisent-elles, par accident, par overdose, par suicide, par homicide, avec la culpabilité qui ronge parfois les survivantes et leur pourrissent l'existence.
Les hommes n'ont pas le beau rôle dans cette histoire. Aussi le lecteur n'est-il pas surpris qu'à la fin ce rôle se termine dans toutes les vies de ces femmes et que, même, le dernier d'entre eux se voit réserver un sort définitif par Constance, l'ange sauveur.
Francis Richard
Swiss Trash, Dunia Miralles, 200 pages, BSN Press
Livres précédemment chroniqués:
À L'Âge d'Homme:
Inertie (2014)
Mich-el-le (2016)
Folmagories (2018)
Chez BSN Press:
Le gouffre du cafard (2024)
