Pour ma part, je compte bien plus de vrais amis en Europe, que j'ai quittée il y a 48 ans, qu’aux États-Unis. Je ne peux m'empêcher de penser que cela tient au fait que, sur le vieux continent, les amitiés se développent et perdurent grâce à une appréciation mutuelle et directe, plutôt que par intérêt professionnel ou autre, qui résiste moins à l'épreuve du temps et à l'évolution personnelle.
De fait, de nombreux observateurs et études semblent indiquer que les amitiés américaines ont tendance à être plus compartimentées et transactionnelles que leurs homologues européennes, souvent façonnées par la mobilité, l'individualisme et les réseaux professionnels. Cette perception (qui rejoint la réalité) montre que les Américains font souvent la distinction entre « amis du travail », « amis de chasse ou de pêche », « amis d'école », etc., chaque relation étant liée à un contexte bien précis.
Cela limite la profondeur émotionnelle et la durée de l'amitié. Enfin, l'immensité du pays engendre une forte mobilité géographique. Les gens déménagent pour le travail, les études ou par choix, ce qui perturbe les amitiés de longue date et favorise les relations fonctionnelles et éphémères. Bien sûr, il y a l'individualisme et l'autonomie, si chers à la culture américaine, qui nuisent à la pérennité des amitiés et les rendent souvent inconfortables, voire pesantes. Les milieux professionnels et sociaux américains encouragent également les relations fondées sur des avantages mutuels, privilégiant l'utilité à l'intimité émotionnelle.
À l'inverse, la plupart des cultures européennes, et les sociétés latines en particulier (comme la France), cultivent des amitiés ancrées dans une histoire et un territoire partagés. La moindre mobilité géographique des Français explique que leurs amitiés durent souvent des décennies, nourries par des expériences et une vie communes. La pression sociale pour se constituer un réseau ou maintenir une image publique est également moindre.
Les amitiés se construisent souvent lentement, avec moins de liens, mais qui restent profonds. Dans des cultures comme la France, l'Italie ou même l'Allemagne, les amitiés impliquent souvent la famille, le soutien émotionnel et des conversations philosophiques, au-delà d’activités partagées. Ce modèle risque bien sûr d’évoluer vers une forme d'américanisation.
On pourrait dire « En Europe, l’amitié est un ragoût mijoté, riche et nourrissant. En Amérique, elle ressemble souvent davantage à la restauration rapide : remplissante, mais éphémère »
