
‐ Un jour, face au mur, tu constates l'inutile. A un copain de passage ou un fils pressé tu bazardes les pièces à conviction de ta vigueur et du grand air. Sur l'air des bijoux rênes, mors aux dents, trophées et licols disparaîtront au paradis de ton passé ainsi que les spores du pissenlit disséminés par le souffle innocent de l'enfance oubliée.Bientôt tu les boufferas par la racineT'es un guerrier l'abuelo. Bientôt tu vas chevaucher dans la grande prairie à côté du Grand Sachem. T'as été au bout du bout résistant aux vents de face, au proprio qui ne veut pas te voir crever sur sa pelouse, au toit qui fuit et aux courants d'air, toi qui aimait tant "le vent qui souffle à travers la montagne" sans rien savoir d' Henri Pourrat puisque tu ne lisais rien d'autres que les bédés de Blueberry un cavalier qui, comme toi, préférait les indiens aux cow boys. Tu ne t’es pas encombré le disque dur avec une pseudo culture de bobo qui lis des livres et nous avons pigé trop tard, pour l’enseigner avec conviction à notre descendance respective, que la liberté de ne rien posséder, c’était un truc de poète. Pivot — Si cette bibliothèque brûlait qu’emporteriez-vous? De Beauvoir — Le feu! Extase! Applauses et c’est parti pour une génération de crevards, admiratifs aux idées courtes qui n’ont ni droit d’auteur ni résidence principale.s et secondaire en plan BNous sommes gens de peu. Moi non plus je n'ai pas de murs à moi pour accrocher tes souvenirs ou un grenier pour garder tes outils d'ouvrier. Le cœur bourru t'as laissé partir la panoplie Facom pour un pack de Kro. C'était ta Pléiade et je sais que depuis ça coince du côté du poumon. Tu as fendu à la hachette un quignon de pain dur sur le billot à côté de la grange pour ton canasson puis tu es rentré sans témoin seul prés du poêle et la télé allumée H 24. L’ado dans son lit cage dînant d’un oignon dans une soupente sans chauffage après sa journée de garçon de ferme rode dans la pièce sans convoquer Zola ni Hugo. Un vacherie ces flash back! Intrusifs comme un coup de téléphone pour te vendre des conventions obsèques et des fauteuils Stana. Des journées comme ça t’en as passé un paquet en regardant la Tour de l’autre côté du coteau. Après 90 piges tu en as vu partir des potes cavaliers ou chasseurs au compte goutte et personne ne passera ce soir à l’apéro. Il n’y a plus personne à enterrer. Un barrage a cédé ce jour là. Nous savons que c'est irréversible. Nous sommes plus que jamais impuissants. Loi des hommes ou loi de la naturelle le temps aura notre peau mais toi tu l'auras chèrement défendue.Bientôt il n'y aura plus de méchants ou de gentils, de nantis ou de miséreux, de cons et de salauds. Nous le savons désormais il n'y aura plus de ces conflits d'où ne sortent que des éclopés, il n'y avait que la vie qui t'as caressé et mordu, le reste c'est de la mémoire. Et ça, c'est mortel!
