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Des pansements ou des munitions ? Le budget qui avoue tout

Publié le 13 décembre 2025 par Guy Deridet

Il est des moments où la complexité du monde se dissipe pour laisser place à une équation d'une simplicité brutale. Pas besoin de lire entre les lignes des milliers de pages d'un projet de loi de finances pour comprendre l'époque : il suffit de regarder où l'argent coule à flots et où l'on ferme le robinet.



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Le récent constat dressé par Le Monde diplomatique est à ce titre un modèle de lucidité clinique. Il met en lumière un basculement que l'on pourrait résumer ainsi : dis-moi ce que tu finances, je te dirai de quoi tu as peur. Et visiblement, nos gouvernants craignent moins la maladie que la guerre.

Le patient est prié de ne pas coûter cher

D'un côté du ring budgétaire, nous avons la Sécurité sociale. Ce vieux pilier de notre pacte social, autrefois une fierté nationale, est désormais traité comme une filiale déficitaire qu'il faut assainir à la tronçonneuse. Adopté à l'arraché (à 13 voix près, notez la fébrilité), le budget de la "Sécu" ressemble à une liste de punitions collectives.

Soins non remboursés, mutuelles qui explosent, hôpital public prié d’en faire plus avec moins. La logique est implacable : la santé publique ne se pilote plus en fonction des besoins biologiques d'une population vieillissante, mais selon les tableaux Excel des agences de notation. Pour plaire aux marchés, on rogne sur le soin. Si vous comptiez, tomber malade cette année, revoyez vos plans, ce n'est plus dans le budget. L'État-comptable a remplacé l'État protecteur.

L'open-bar du kaki

De l'autre côté, changement d'ambiance radical. Pour la Défense, le carnet de chèques n'est pas en papier, il est en kevlar. Ici, le budget est adopté à une écrasante majorité. Pas de débats houleux sur la "dette insoutenable" quand il s'agit de commander des obus.

On entérine une augmentation spectaculaire de plus de 13 %. Il faut fabriquer des armes, ouvrir des casernes, préparer les conflits de demain. C'est le grand retour du canon au détriment du beurre, ou plutôt du drone tueur au détriment du lit de réanimation. L'ironie est mordante : on nous explique qu'il n'y a pas d'argent magique pour sauver des vies dans nos hôpitaux, mais qu'il y en a à foison pour financer ce qui servira, in fine, à ôter des vies ailleurs.

Une clarté politique effrayante

Rarement, "l'épure des choix politiques", pour reprendre l'expression du Diplo, n'aura été aussi nette. Ce budget est un aveu. Il nous dit que la priorité n'est plus la préservation du corps social, mais le durcissement de la carapace étatique.

C'est un choix de société majeur qui s'opère pourtant dans un silence assourdissant, sans véritable débat démocratique sur le fond. On troque la seringue contre le fusil d'assaut sous les applaudissements d'une classe politique qui semble avoir trouvé un consensus rare : la guerre est un investissement d'avenir, la santé une charge du passé.

Ce déséquilibre flagrant est aussi impopulaire que fragile. Car une société qui accepte de moins bien soigner ses enfants pour mieux armer ses soldats est une société qui marche sur la tête.

Et, l'histoire nous apprend que ce genre d'acrobatie finit rarement bien.

 


 

Source : Inspiré par une très récente analyse du Monde diplomatique sur les choix budgétaires récents.

 




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