Je savais pertinemment que la tâche ne serait pas des plus faciles, j'allais devoir faire illusoirement barrage de mon corps entre une journée manifestement trop longue et les promesses délicieuses de jours meilleurs, car sans lycée, c'est à dire les vacances. Vendredi dernier, le vent sec qui s'était acharné à repousser quelques nuages hostiles, n'était rien en comparaison du courant d'air frais circulant entre les oreilles de mes chères têtes blondes, mais telle la mousson je m'étais mis en tête d'enrichir leur culture. En effet, je mettais greffé dans une ambitieuse journée au Louvre, qu'une collègue avait organisé avec le soutient de l'administration, et de son médecin traitant, tant la préparation d'une sortie s'apparente plus à un décathlon qu'à une compétition de lancé de noyau d'olives à la fin de l'apéro où, le corps réchauffé au soleil de juillet et au pastis tiède, on se sent l'âme sportive. Je dois reconnaître que je nourrissais une certaine appréhension, comme pour une opération à coeur ouvert, une dictée en langue des signes, le temps de cuisson des oeufs à la coque, ou encore un démarrage en côte. Faut dire que mon image de la sortie scolaire autre que celle de la visite du CDI, ressemblait à une grand mère souffreteuse promenant ses 25 doberman, tentant de les retenir en leur parlant allemand, pour finir traînée sur 500 mètres avec virage sur le dentier et dérapage sur la hanche en plastique, le tout dans une crèche qui, dans le cadre de la semaine du goût, a fait imbiber tout les doudous des dodus grumeaux de jus de viandes... oui je sais j'ai des images mentales assez précises...
Nous nous retrouvons tous à 9 h devant le bahut avec une féroce envie d'en découdre, le trajet effrairait le moindre Philéas Fog, au programme bus, tramway, et métro. En distribuant les tickets de transport, j'en profite pour signaler à mes incontinents de la culture ( ceux qui évacuent tout de suite tout ce qu'on peux tenter de leur faire ingurgiter) que puisque le cotât de perte est de 3 élèves perdus corps et âme par sortie, il n'y aura pas de ticket de retour pour tout le monde, c'est pourquoi je ne leur confie que les billets pour l'aller. Et alors que le dernier titre de transport m'est arraché des mains avec la reconnaissance d'une menthe-religieuse pour son tendre époux, le bus passe le bout de la rue. Avec une vivacité déconcertante, ils s'élancent tous en direction de l'arrêt de bus, ma collègue en tête, convaincue qu'a 25, il arriveront bien a stopper la circulation de la nationale. Putain j'ai faillit perdre tout mon cotât d'un seul coup sur le pare-choc d'une twingo, tu parles d'une fin glorieuse... Moi par principe, je ne cours jamais après les transports en communs, c'est des coups à faire du sport, transpirer, changer plusieurs fois de sous vêtement dans la semaine bref une dépense énergétique coûteuse et un gouffre financier en lessive et autres détergents, et pourquoi pas gravir les marches d'un escalator! C'est le regard noir que mes élèves regardent le bus s'éloigner, tandis que moi imperturbable, j'attends l'aval des hauts décisionnaires du passage piétonnier, celle du petit bonhomme vert et son acolyte rougeaud, alors qu'à ce moment précis la circulation permettrait à deux paralytiques de faire 5 fois l'aller-retour en fermant les yeux. Ce n'est qu'une fois arriver à leur hauteur que je leur annonce que c'est l'arrêt de bus d'en face qu'il faut prendre et que par la force des choses il va falloir retraverser... Le reste du trajet fût a peu près paisible, aucun incident majeur a déploré, à l'exception de deux intrépides qui ont tenté de faire la manche dans le métro, prétendant être à la rue et que pour leur dernier repas il avait mangé leur propre petit frère, mais dont l'apport nutritif n'était que très médiocre puisque selon leur dire "il n'avait que la peau sur les os et que la peau ça ne se mange pas" ... je me suis donc empressé de les arrêtez et de leur dire que ça fonctionnerait mieux avec des roumains, qu'il y en ai un qui boîte et que l'autre louche en bavant un peu et que bien évidement je prenais 50% des recettes... Il faut dire que cette sortie s'effectue avec ma classe de seconde de petits "piou-piou", ils s'intéressent un peu à l'art, donc avec eux je ne suis pas complètement décridibilsé par rapport à mes chers terminales électrotech pour qui je suis aussi utile qu' un prof de philo à la star'ac ... Me voici donc aux portes du Louvre avec un cotât de perte optimum, une collègue aussi optimiste qu'une traversée de l'antarctique en pédalo, et 25 têtards pour qui, chaque minute qui passe les rapproche un peu plus des vacances tant attendues .... A SUIVRE.....