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Le recruteur emprisonné

Par Patricia Goyenetche

Être recruteur est un métier. Savoir faire le bon choix sur les centaines de candidats qui viennent taper à la porte sans discriminer et en restant objectif n'est pas toujours évident. Il se doit de le faire, parce qu'il est sensé posséder les compétences nécessaires à ce métier : sens de l'écoute, l'adaptation à son interlocuteur, l'analyse de profil, par exemple. Si certains d'entre eux venaient à postuler à une offre d'emploi utilisant mon outil, voici ce que l'on découvrirait.

Le processus utilisé par les recruteurs est : - définition du profil et des critères de sélection - sourcing : rechercher dans les CVthèques les profils correspondant aux critères, ou dépôt d'annonce. - traitement des CV retenu : pré-sélection téléphonique - entretien de recrutement : sélection des candidats - présentation des candidats retenus à l'employeur. Si on leur demande, que se passe-t-il lorsque les candidats ne satisfont pas l'employeur ? la réponse on leur propose d'autre candidat. Si vous êtes curieux, vous retrouverez ce processus dans toutes les explications des méthodes de recrutement de nombreux cabinets.

A présent essayons de comprendre la situation :

Le coût d'un dépôt d'une annonce hors ANPE est de 700 € environ, Si l'on souhaite intégrer la consultation de la CVthèque compter au minimum 1200 € pour 100 consultations. A ce prix-là, le recruteur ne peut pas se permettre de perdre son argent. Il lui faut donc impérativement rentabiliser ce coût. C'est pourquoi il a mis au point une méthode de tri rapide est "efficace". Nous sommes donc dans une théorie économique qui vise à développer la rentabilité du cabinet. Les CV extraits de cette CVthèque, + ceux adressés directement avec l'annonce, constitue un nombre important de CV. Il parait que certains obtiennent 500 CV pour une annonce. Il faut donc à nouveau limiter. Là encore, c'est une théorie économique qui va diriger les actions à mener. Le cout du traitement de l'heure d'un chargé de recherche doit être rentabilisé. Il faut donc un outil qui fasse le tri du premier tri. Ensuite, que ce passe-t-il ? nous avons récupéré quelques profils, pas forcément les bons, mais ils possèdent dans leur CV les critères que nous recherchons. Maintenant, on va s'intéresser à l'individu. Les entretiens ont pour objectif de mieux connaitre le candidat.

Quels sont les biais cognitifs (facteurs qui vont influer sur le jugement que fera le recruteur ?

Le coût initial de présélection impose au recruteur de justifier le bien fondé de son choix. Aussi, il se place dès le départ dans un engagement duquel il ne pourra plus se libérer. Pour se faire, il va chercher parmi ces candidats pré-sélectionnés ceux qui ont le plus de chance de justifier son choix. Et là, commence une forme de sélection subjective dont le but n'est pas de repérer les compétences d'un candidat, mais de justifier le choix initial du recruteur. La pré-sélection téléphonique, va éliminer les candidats qui ne correspondent pas vraiment à son propre ressenti pour le poste. Le "fais ce que je dis et pas ce que je fais" est courant dans ce milieu (j'ai testé). Il ne s'agit toujours pas de relever les compétences du candidat, mais bien de justifier le premier choix. On appelle çà le "renforcement" psychologique. Le recruteur est prudent, il va donc mettre de côté plusieurs profils au cas où ceux proposés ne correspondent pas. Si bien, que les quelques candidats qui auront satisfait aux engagements initiaux du recruteur auront une chance d'être recruté. L'entretien va servir de classement des candidats. Il faut un ordre de passage. On sélectionne les trois premiers qu'on propose. Puis, trois autres, si le premier lot ne convient pas. Technique commercial oblige, on valorise cette fois la qualité de la sélection du recruteur, qui a eu tout au long de son processus la possibilité de renforcer ces convictions sur le choix du candidat. Aussi, dans cette phase finale il va persuader cette fois l'employeur du bien fondé de son choix. L'employeur aura quand à lui payer une fortume pour avoir ce salarié. Sauf pour les grandes entreprises qui peuvent se permettre l'exigence, les autres pour qui un recrutement à un cout vont accepter le choix de celui qui est spécialiste. Et bien souvent, après les premiers mois d'euphorie, motivation oblige, les conflits apparaissent.

Tout au long de ce processus, aucun recruteur ne prend en compte dès le départ, les compétences des candidats, ce qu'ils savent faire. Cela s'explique par le fait qu'ils ne sont pas formés pour ce type même d'évaluation. Bien que je comprenne le processus économique lié à la rentabilité, qui peut être adapté à un outil plus performant, je trouve dangereux de devoir être ainsi emprisonné dans un choix préliminaire pas vraiment fiable. A aucun moment de leur processus, ils ne mettent en place un dispositif de remise en cause de ce choix préliminaire. Ils peuvent revenir sur leur choix final, mais reste sur le même processus.

En créant mon outil, j'ai pris en compte l'aspect rentabilité. Mais je cherche à évaluer des compétences et non à accepter ce qu'un candidat pense de lui ou qu'il a modifié pour "coller" aux critères du recruteur. Je ne rejette aucune candidature car je dois à tout moment du processus de sélection pouvoir remettre en cause mon choix initial. Le recrutement est avant tout une question humaine. Si le recruteur ne peut pas revenir sur ses choix préliminaires, à quoi bon d'avoir 10 candidats sous la main. Être recruteur est un métier qui ne repose pas sur les sciences économiques. Le taylorisme a montré ces limites, alors pourquoi vouloir s'acharner à l'appliquer dans le recrutement.


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