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Perception de la pauvreté par les peuls Mbororo par Hindu Oumarou

Publié le 12 septembre 2008 par Bababe

Perception de la pauvreté par les peuls Mbororo

Les Mbororo distinguent deux éléments essentiels dans la définition de la pauvreté, il s’agit de la disponibilité en bétail et en terre perçue comme aire de pâturage. Les Mbororo sont des pasteurs nomades qui pratiquent un élevage extensif dont les besoins en terre de pâturage sont importants. Il ne s’agit plus forcément du nomadisme (péjorativement interprété comme un déplacement désordonné des populations d’un endroit à l’autre) surtout dans les zones de forte densité de population. Maintenant les Mbororo sont plus ou moins sédentaires, et seuls les animaux effectuent des déplacements saisonniers à la recherche de l’eau et des pâturages. C’est ce qu’on appelle la transhumance, Dabbol ou Cheddol. Ainsi donc, tout ce qui peut porter atteinte à la croissance qualitative et quantitative du troupeau ou limiter l’accès à la terre est forcément un facteur d’appauvrissement.

Au-delà de l’accès à la terre, il est surtout question de la sécurité foncière dont les Mbororo ont besoin dans un contexte de croissance démographique et des pressions foncières de plus en plus fortes. Les Mbororo ont ainsi défini le pauvre comme étant quelqu’un qui n’a pas un cheptel important et/ou qui ne dispose pas suffisamment de terre pour faire paître ses animaux.

Dans ces conditions, les jeunes ne peuvent plus se marier et émigrent vers les grandes villes à la recherche d’un travail qui n’est pas toujours facile à trouver et ne font que gonflé le taux de chaumage dans des villes. Les jeunes gens y exercent des petits métiers ou même deviennent tout simplement des vagabonds, alors que les filles se livrent à la prostitution clandestine. On assiste alors à une désagrégation du tissu social et à la menace du VIH/sida et autre IST.

La pauvreté se manifeste aussi par la malnutrition, le faible accès à l’éducation, aux soins de santé, la dégradation des pâturages (invasion par la fougère, changement climatique), l’absence ou le faible accès aux infrastructures d’élevage, les conflits récurrents entre les agriculteurs et les éleveurs, le faible accès à l’eau potable, l’insécurité foncière, la diminution du cheptel, etc.

Les Mbororo ont aussi identifié les conflits agriculteurs-éleveurs comme étant des facteurs d’appauvrissement. En effet, en cas de destruction des cultures, même lorsque celles-ci se trouvent sur des aires de pâturage, les dédommagements exigés sont souvent disproportionnés par rapport aux dégâts réellement subis. De même, lorsque les agriculteurs envahissent les aires de pâturages et détruisent les espèces fourragères naturelles ou plantées par les Mbororo, ils sont toujours fautifs et appelés à réparer des préjudices qu’ils n’ont pas commis. Le coût de ces compensations est souvent évalué à plusieurs têtes de bétail et c’est ce qui émerge un conflit et parfois jusqu’à un combat meurtrie.

La diminution du cheptel affecte différemment les hommes et les femmes Mbororo. Les hommes se reconvertissent pour certains en bergers salariés dans les fermes avec pour corollaire des conditions de travail difficiles et des salaires dérisoires. Plusieurs mois dans les pâturages avec un salaire modeste. Chez les femmes Mbororo, la perte du troupeau signifie perte de la principale source de revenus économique qu’est la vente du lait et du beurre. Cela se traduit aussi par les déficits alimentaires chez les enfants pour qui la principale source de protéine est justement le lait de vache et chez les adultes le lait aussi et le beurre.

On observe aussi à la suite de la destruction des économies des Mbororo un phénomène qui semble avantageux pour les femmes. En effet, la réduction ou même la destruction du cheptel s’accompagne d’une reconversion des femmes dans les activités agricoles ou en petits commerces. Les travaux agricoles ont l’inconvénient d’être pénibles, surtout pour des femmes qui n’en ont pas l’habitude, mais ils contribuent à leur assurer une certaine autonomie financière. Elles sont en effet maîtresses de leurs productions agricoles et le revenu de leur petit commerce et en disposent comme elles l’entendent, ce qui n’est souvent pas le cas des productions animales dont le contrôle est assuré par les hommes.

Par Hindou Oumarou Ibrahim

hindououmar@yahoo.


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