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Brèves de blog, un florilège de commentaires par Pierre Assouline

Publié le 12 septembre 2008 par Sammy Fisher Jr
La République des livres fait partie de ces quelques blogs de très haute volée, de ceux tenus par un professionnel du sujet sur lequel il s'exprime. Il m'est déjà arrivé de citer ici ou des extraits de billets de Pierre Assouline, mais si je devais le faire à chaque fois que je lis quelque chose que je trouve particulièrement pertinent, je passerai mon temps à faire ça.
Hier sortait un livre du même, intitulé Brèves de blog, le nouvel âge de la conversation, qui est un florilège des commentaires publiés après quatre ans d'existence de la "RDL", comme ils disent. A raison d'environ 200 commentaires par article, il a dû passer quelques heures passionnantes pour en sélectionner seulement 600... Au delà du fait que les rares fois où je me suis attardé du côté de ce magma, j'ai trouvé ça plutôt ennuyeux et bien souvent hors-sujet, rasoir, pédant... ce qui m'a intéressé dans le billet où il présente ce livre, c'est une réflexion sur l'anonymat et la perception du message écrit, bien différente de l'oralité :
L’anonymat libère parfois une humeur bridée, parfois des forces sombres. Il dilue la peur. De grands bavards du virtuel se révèlent être muets dans le réel. L’anonymat nous autorise à explorer des pans de notre personnalité comme nous n’aurions jamais osé le faire sous notre propre nom (…) Beaucoup rejettent l’idée de leur lâcheté supposée. Ils récusent le fait que le pseudonyme soit un moyen d’échapper à l’identité puisqu’ils le tiennent pour une autre identité que celle de la vraie vie, une identité numérique reconnaissable seulement sur la Toile. En ce sens, elle ne relèverait donc pas de l’anonymat. Ils sont au fond plus proches des hétéronymes chers à Fernando Pessoa : eux aussi portent un ou plusieurs « autres noms » destinés à révéler différentes facettes de leur personnalité. Il faut les accueillir comme autant de noms de guerre. (…) Le fait est que l’internet désinhibe comme aucun média de masse avant lui. L’usage des faux noms et des fausses adresses y est pour beaucoup. L’interlocuteur n’ayant pas de visage, de regard ni de gestes, il est privé de l’éloquence du corps ; il ne peut être jugé sur son apparence ; le grain de sa voix nous étant inconnu, on ne peut rien tirer de cet écho d’ordinaire si expressif. Tout passe par l’écriture ; encore celle-ci s’avance-t-elle dépourvue de ce qui renseigne tant en elle, la graphie. (…) Le recours au pseudonyme déforme le débat d’idées, que l’absence d’intonation fausse un peu plus. Pas d’identité réelle, pas de voix, pas de corps, pas de visage. Qui me parle et exige ma réponse ? L’homme invisible. Dans ce terrain mouvant, le dérapage est programmé. Alors le pseudonyme a tôt fait de transformer le commentaire en dénonciation, et le message en lettre anonyme décachetée.
On pourrait trouver dommage que Pierre Assouline ne publie pas une anthologie de ses "écrits de blogs", qui serait, j'en suis sûr, d'une lecture fort agréable, mais là n'est pas le propos. Je me suis rassuré à lire le dernier paragraphe de son (long) billet, qui me confirme que je ne suis pas dans l'erreur et qu'il n'est pas dupe :
Que reste-t-il une fois évacué tout ce qui pollue la conversation, la bêtise à front de taureau, le parasitage délibéré, les dérapages trop bien contrôlés, les lieux communs, les répétitions, le hors sujet intempestif, la diffamation et la calomnie, le racisme et l’antisémitisme, la délation, les appels au meurtre ?… Ce que j’ai retrouvé au-dessus du tamis après des mois d’un orpaillage systématique et acharné est constitué d’un improbable alliage comme seules les sociétés virtuelles en produisent, concentré d’intelligence, d’esprit, d’humour, de culture et d’audace parfois mâtiné de méchanceté, de haine, de perversité pas toujours littéraires. (…) Est-ce pour autant une conversation de bonne compagnie ? En tout cas, elle est devenue la nôtre.

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