Le tatouage est rituel, il est sacrificiel. Il a depuis quelques années retrouvé ses lettres de noblesse. La culture Maohi revendique ses racines, le tatouage en est la marque la plus évidente. Karl von den Steinen, anthropologue allemand du début du siècle y est sans doute pour quelque chose, puisqu’il a laissé à la postérité des milliers de motifs qui auraient été perdus sans ses précieux relevés. Edités dans une 1ère édition des années 20, et dans lesquels puisent à l’infini les Maîtres tatoueurs.
Si un ami Tahitien vous propose de réaliser un tatouage, c’est que l’amitié entre vous sera à jamais scellée. Dans les fameuses bringues, souvent un maître tatoueur officie, installe ses instruments sur une grande natte en peue. Vous avez ensemble décidé du motif, mais le choix final est vôtre, vous seul choisirez le bracelet sur l’avant bras, le casse tête triomphant sur l’épaule, ou le tiki sur l’omoplate ! Car le dessin est définitif, impossible de revenir en arrière ! Une esquisse est réalisée au feutre ou au Rotring, pour ébaucher les premiers contours, et vérifier la proportion du dessin avec le corps. Le tatoueur a enfilé des gants chirurgicaux, il a au préalable nettoyé la surface à dessiner avec de l’alcool. Puis il attaque les premiers traits, qui donnent l’enveloppe du dessin. On a vu les Maohi impassibles sous la morsure du stylet. Mais la douleur est là, sourde, pas à hurler, mais une lancinante et terrible pression semble mordre sur la peau. Certaines parties du corps sont plus sensibles que d’autres, comme l’intérieur du bras ou de la cuisse, la peau du cou…et l’on frémit à la vision du tatoueur au corps intégralement peint ! Le motif prend forme et vie, se saignement est pour ainsi dire le tribut à payer mais il est superficiel, le sang noircit en se mélangeant à l’encre, bientôt on ne voit presque plus le motif, pourtant essuyé au fur et à mesure de la réalsiation. On serre encore les dents. Parfois des heures sont nécessaires pour arriver au dessin final . Parfois même la douleur est telle que l’on espace les séances.
Une fois terminé, le dessin est soigneusement nettoyé, et généreusement oint de pommade antibactérienne, ce afin d’éviter tout rejet !
Après la séance, oublier les expositions directes au soleil, les bains de mer, pendant une quinzaine de jours. Si l’on doit se faire tatouer pendant un séjour en Polynésie, autant le faire réaliser en fin de séjour ! Toujours maintenir le tattoo « gras » ne pas hésiter à rajouter de la pommade. Le laisser respirer à l’air libre . Les traits tout frais ont une apparence épaisse qui va vite disparaître. En plus de la réaction de la peau, l’encre va rejeter l’essentiel pour ne garder finalement que les fins traits . Les grandes surfaces, les « remplissages » sont souvent plus douloureux, car pour obtenir une teinte homogène, le tatoueur doit « insister » pour ne pas laisser de vides.
Un bel acte qui scelle à jamais sa passion pour le fenua.