Magazine Journal intime

Heurts de nuit

Par Pierre-Léon Lalonde
La soirée avait été géniale. Je l'avais passée dans les doux bras de mon amoureuse.
J'ai attendu d'entendre son souffle s'allonger et je suis sorti du lit sans faire de bruit. Je l'ai laissé dormir pour aller rouler quelques heures. J'avais malheureusement un taxi à payer.
Les fins de nuit du samedi soir... Si ça pouvait toujours être occupé de même, aucun chauffeur ne se plaindrait de sa misérable vie. Faut les voir tous ces bras qui se lèvent quand les clubs se vident. De toute beauté. Attendant cette heure culminante avec impatience, je roule rêveur, avec l'odeur de son corps sur le mien. Encore quelques heures et j'irai la retrouver pour synchroniser mon souffle avec le sien.
En attendant, les courses se font régulières et mon état d'esprit doit être contagieux, car mes passagers sont affables et les conversations agréables. À mon bord, une grande métisse me raconte sa soirée d'études avec une copine. À voir son sourire dans le rétroviseur, je me doute un peu à quel genre d'études elle fait allusion.
Nous nous dirigeons vers Côte-des-Neiges et pour y accéder, nous montons l'avenue Atwater. Tout en haut, un pick-up attend dans la voie de gauche pour tourner. Je me place dans la voie de droite et attends également que les véhicules qui descendent l'avenue des Pins aient fini de passer. Je poursuis ma conversation avec ma passagère lorsque tout à coup, un grand bruit nous secoue. Le camion est parti en trombe entraînant dans son sillage une partie de mon taxi. Ma cliente est abasourdie, moi, en hostie.
Je sors de l'auto pour constater que ma nuit est fichue. Le parechoc est complètement arraché et ne tient que par les fils du clignotant droit. Du côté gauche, il n'y a plus de phare, l'aile est amochée, le capot aussi et je me demande si la roue est intacte.
Le chauffeur du camion s'est parqué un peu plus loin et s'approche de moi en répétant : Fuck, fuck, fuck...
— Yeah! You can say that.
Tout de suite, j'ai l'impression que le mec est plus énervé d'arriver en retard à un rendez-vous que par l'accident en tant que tel. Je me retiens pour ne pas lui dire ma façon de penser. Il n'a pas l'air en état d'ébriété, mais c'est clair qu'il ne s'est jamais rendu compte qu'il y avait un véhicule à côté de lui. L'expérience qui rentre... En ce qui me concerne, j'en ai vu d'autres et me dirige vers ma boîte à gants pour récupérer un constat amiable. Je lui dis de récupérer ses papiers, qu'on va en avoir pour une demi-heure. Ça n'a pas l'air de faire son affaire et il s'en retourne vers son camion en téléphonant à quelqu'un d'autre qui devra également attendre.
Dans le taxi, ma cliente semble encore sous le choc. Je me fais rassurant et lui dis que je lui appelle un autre taxi. Je n'ai pas le temps de joindre le répartiteur qu'un confrère curieux et flairant l'affaire ralentit à mes côtés. Ma passagère devient la sienne en me filant quand même un triste 10 $ de consolation. Je sors tous mes papiers et commence à remplir ma partie du constat. Ce n'est pas le premier, sûrement pas le dernier. Encore une fois, l'accident n'avait heureusement que des implications matérielles. Ça aurait pu être pire. J'essaye de ne pas trop y penser.
Pendant que l'impatient remplissait son côté, j'ai appelé une remorqueuse pour venir chercher le véhicule. Elle est arrivée alors que nous apposions nos signatures à l'amiable. Le chauffard repentant m'a tendu sa main. J'ai aussi serré la main de l'homme qui est reparti avec le taxi.
Lentement, j'ai redescendu la côte à pied. Croisant la Catherine, j'ai vu tous ces bras dans les airs. J'ai repris mon souffle et sans heurt, je suis revenu me coller contre le corps de ma blonde.

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