Vinod Rughoonundun : "Daïnes et autres chroniques de la mort",éditions Naïves, 2006.
Avec ce recueil de nouvelles, c'est là un livre très mauricien que nous donne ce poète d'ascendance indienne, ancien enseignant et ancien journaliste, vivant aujourd'hui à Paris.
L'Ile Maurice est un endroit où l'on a encore le sens de l'extra-ordinaire, du surnaturel. Un endroit où superstitions, mythes et légendes foisonnent, et forment un terreau des plus propres à
stimuler l'imaginaire.
Comme aime à le souligner Vinod lorsque l'on discute avec lui, à l'Ile Maurice, "les cultures se mêlent" : les source d'inspiration n'en sont donc, forcément, que plus riches, plus
variées et plus nombreuses.
De l'étrange aventure du non moins étrange clochard-savant Kikolo à la rencontre nocturne des Daïnes, ces effrayantes femmes fatales issues de la mythologie hindoue, en passant par la
dérangeante histoire de D'jamma, la femme-vampire comorienne, c'est toute une galerie de personnages mauriciens souvent hauts en couleur que nous parcourons au fil de ces pages, non sans avoir,
bien sûr, un frisson qui circule dans notre dos.
C'est avec maestria que Vinod Roogunundun, conteur hors-pair, confère chair à ses récits, récits qui peuvent se prévaloir d' un charme unique en ce sens que, tout en collant de très près
à la vie des petites gens de Maurice, ils savent aussi l' immerger de surnaturel, la détourner vers le "côté obscur".
Nous filons de récit en récit, de nouvelle fantastique en nouvelle fantastique et l'atmosphère de ces nouvelles est cruelle, sensuelle et troublante de par le commerce que leurs protagonistes
entretiennent avec la camarde.
Ici, la mort apparaît comme une tentatrice, à l'image des sirènes d'Homère. Elle séduit et attire à elle, d'une façon irrésistible, autant qu'une femme qui attire l'homme. Au point que l'on
pourrait presque parler d'"érotisme de la mort".
L'art de la nouvelle fantastique est loin d'être un art aisé à manier. Toute la difficulté réside dans la façon d'introduire l'irruption du sunaturel, de gérer les frontières entre ces deux
contraires absolus que sont le surnaturel et le vie quotidienne, et on est frappé par la façon dont Vinod, quant à lui, se sent à l'aise avec pareil challenge.
La combinaison de l'inquiètant et de l' "exotique" (pour ceux qui ne vivent pas à Maurice) donnent à cet ouvrage une dimension proprement envoûtante.
Avec cela, la pureté, la clarté de l'écriture ne gâchent rien.
Maupassant et Poe à la "sauce" mauricienne ?
C'est tenté. C'est réussi !
Patricia Laranco.