Magazine Humeur

laïcité : point barre !

Publié le 16 septembre 2008 par Kamizole

sarkozy-benoit-xvi-orly-air-inspire.1221560302.jpg4 jours à bouffer du Pape (”laïcité ouverte”) et du Sarkozy (”laîcité posi-tive”) il y a bien de quoi avoir une indisgestion… d’hosties !

Je n’ai pu m’empêcher de m’arrêter sur cette photo qui illustrait un des nombreux articles de 20 minutes… Face à face entre Nicolas Sarkozy de face et Benoît XVI pris de dos. Je ne sais pas pour vous, mais quand je suis devant une personne que je connais et a fortiori si je la reçois, je la regarde franchement.

Or Sarko lève les yeux au ciel ! Comme si le Pape ne lui suffisait pas et qu’il cherchait l’inspiration divine (pour les âneries qu’il débitera ensuite c’est raté !). Un peu à la manière de Napoléon prenant sa couronne des mains du Pape et s’en coiffant.

Vous y ajoutez Nathalie Kosciusko-Morizet qui dénonce sans rougir de honte : “l’extrémisme de la laïcité” ! ajoutant que “La laïcité, ça doit être quelque chose de naturel qui accepte la religion” en défendant le concept sarkoïdal de «laïcité positive» d’une bien curieuse et fâcheuse manière : “une façon de dire que la laïcité doit être quelque chose de serein”: “Ce doit être à la fois une séparation nette entre la religion et l’Etat et puis en même temps un dialogue, dire que la religion joue un rôle, accepter son rôle social”.

Jean-Luc Mélenchon pointe exactement le danger de la politique religieuse de Nicolas Sarkozy : «Il s’agit de promouvoir en France le concept de “laïcité positive” qui s’oppose à la loi de 1905 en prévoyant le retour des Eglises comme actrices de la vie institutionnelle et publique»,

C’est exactement ce qu’ont dénoncé à juste titre tous les défenseurs de la laïcité : c’est mettre l’Eglise dans un rôle politique et institutionnel qui n’a pas lieu d’être dans la République. Chacun son job (la sphère publique et la sphère privée) et les brebis (fussent-elles «égarées» !) seront bien gardées.

Le toujours aussi inepte Frédéric Lefèbvre (IN)utile ne craint pas de fustiger «l’intolérance», le «dénigrement» et carrément, accuse les laïcards : «d’insulter tous les chrétiens de France» !,

A défaut de lui conseiller de lire Voltaire sur la question de la tolérance et des religions (il n’y a pas assez d’images !) qu’il retourne jouer dans son bac à sable…

Quelqu’un devrait peut-être lui rappeler que le Pape n’est pas le chef de tous les chrétiens ! Non seulement les protestants de diverses obédiences mais également, et entre autres, les orthodoxes… depuis bien plus longtemps encore ! Le schisme entre les Eglises d’Occident et d’Orient remontant à 1054…

Etant l’arrrière-petite fille d’un pasteur presbytérien, je ne risque pas de confondre l’Eglise catholique – qui en fait partie – et la chrétienté. Malgré sa prétention à l’universalité (catholique signifiant : universel) l’Eglise de Rome est bien loin d’être majoritaire dans le monde chrétien… Ce que rappelle fort opportunément Irène Droit : «Nous ne sommes pas tous papistes» !

Bien que la France eût été appelée “Fille aînée de l’Eglise” elle n’en acceptait pas pour autant l’ingérence papale, depuis le fameux conflit entre le pape Boniface VIII et Philippe IV Le Bel à la fin du XIIIè siècle. Nonobstant la bulle “Unam Sanctam”. Tradition qui s’est maintenue sous tous les rois et les divers régimes politiques.

Certes, l’application de la loi de 1905 a été quelque peu rude et a donné parfois lieu à des excès que l’on peut juger aujourd’hui regrettables. Mais la faute en incombe au clergé lui-même et à Rome dans la mesure où l’Eglise s’ingérait dans les affaires politiques, luttant contre la République (”La gueuse”).

Même le très croyant et pratiquant François Bayrou est choqué par le «mélange des genres»… Nicolas Sarkozy se rend-il même compte qu’il étale ses croyances (mais l’ostentation est une seconde nature chez lui !) alors même qu’il parle en tant que Président de la République, en appelant à plusieurs reprises le Pape «très Saint-Père»… (encore l’effet d’un oedipe non réglé ?).

Beaucoup ont d’ailleurs souligné à cette occasion que le Général de Gaulle, bien que profondément croyant, ne communiait jamais dans les offices publics où il était présent en tant que chef de l’Etat. Cela semble tellement aller de soi.

Quand il représente la France un élu de la République n’a pas à faire étalage de ses convictions religieuses ou philosophiques.

Julien Dray ne dit pas autre chose : «La laïcité implique que la religion est une affaire individuelle, dans un Etat respectueux de la liberté des cultes» (…) «Ceux qui ont la responsabilité de gouverner la République, et le président en premier lieu, doivent être les gardiens de ces principes»,

Je fus d’ailleurs tout autant scandalisée par l’exemple d’un Charasse qui refusait d’entrer dans une église où il devait être en tant qu’élu de la République. Il n’est pas nécessaire d’être croyant pour assister à un office. Il suffit d’adopter une attitude neutre et respectueuse. C’est un exemple navrant d’intolérance et de manque de discernement. Mais cela n’est guère surprenant venant d’un tel personnage.

François Hollande a tout à fait raison de rappeler Nicolas Sarkozy à ses devoirs : Il ne doit pas «s’écarter de son rôle» (d’arbitre) et «ne pas confondre ses croyances personnelles, respectables, avec sa responsabilité qui est de permettre l’égalité de tous, la liberté de chacun» en d’empêchant la «confusion entre l’espace du religieux et l’espace de la République».

Quant à Marie-George Buffet, elle exprime un point de vue que je ne peux que partager : «Nicolas Sarkozy met toujours un adjectif à côté de la laïcité et ça m’inquiète. Je préférerais qu’on en reste au concept lui-même»… la petite ironie de l’Histoire n’est-elle pas que la grand messe catho avait lieu le même jour que la grand messe communiste : «la Fête de l’Huma» à la Courneuve ?

Le moins que l’on puisse dire est que Nicolas Sarkozy a de la suite dans les idées ! On retrouve là les accents de Saint-Jean de Latran : rappelant encore «les racines chrétiennes de la France» comme si la France – ou du moins son territoire - n’avait pas commencé bien avant la conversion de Clovis… et qu’il n’eût jamais existé depuis des temps immémoriaux de Juifs en France. Souvent hélas malmenés, voire massacrés (au moment de la croisade prêchée par Saint-Bernard, notamment) et dépouillés par les rois quand cela les arrangeait.

Idem pour les Musulmans qui, s’ils furent arrêtés à Poitiers par Charles Martel, n’en étaient pas moins établis en Espagne (pour les «racines chrétiennes de l’Europe» comme variante du même propos).

Bien que croyante (mais non pratiquante) je m’insurge quand je lis qu’il n’y aurait de sens moral que grâce à la religion… propos tenus aussi bien par Nicolas Sarkozy en diverses occasions que par Benoît XVI. Ainsi «la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société».

Irremplaçable ? Ah ! non alors… C’est un abus de langage commis également par Nicolas Sarkozy ! Je connais des athées ou des agnostiques qui ont un sens moral autrement développé que lui qui se contente de belles paroles alors que sa vie et sa conduite en général témoignent tout à fait du contraire !

Ceci dit, à cet égard le Pape est tout à fait dans son rôle d’appeler les catholiques à vivre vertueusement et selon certains principes (même si je suis loin de partager sa vision rétrograde sur plusieurs points !). Mais encore une fois, ce sont là des questions qui relèvent de la vie privée des fidèles de même que l’institution ecclésiale n’a pas à déborder du cadre de l’Eglise (au sens général et du lieu de culte).

Il outrepasse son rôle quand il estime que «l’Europe, et notamment la France, ne s’inspirent pas suffisamment de «la sagesse des grandes traditions religieuses», au profit «d’une forme de rationalité qui exclut totalement Dieu de la vie de l’homme» (selon les termes du cardinal Poupard).

C’est bien parce que la foi et certains dogmes ne relèvent nullement de l’entendement que la raison s’impose… comme le dit admirablement Pascal : «le cœur a des raisons que la raison ne connaît point»

Je m’en tiendrais au Spinoza du «tractacus théologico-politique» quand il affirme l’indépendance de la théologie à l’égard de la philosophie du fait de l’impossibilité de donner un fondement rationnel à la religion et qu’il soutient que ce qui est contraire à la nature est contraire à la raison et que ce qui est contraire à la raison est absurde et doit en conséquence être rejeté…

Kant ne dira d’ailleurs rien d’autre en condamnant – au nom de la raison – la tentation métaphysique d’expliquer l’univers et l’homme au-delà du champ de l’expérience.

Nous ne pouvons pas plus suivre Benoît XVI quand il prétend qu’«en ce moment historique où les cultures s’entrecroisent, une nouvelle réflexion sur le vrai sens et l’importance de la laïcité est devenue nécessaire».

Pourquoi aujourd’hui plus qu’hier ? Dans un monde et notamment une France largement déchristianisée, serait-ce une nouvelle «guerre de religions» ? sous-entendue contre l’Islam…

Il fallait toute l’inconséquence mêlée d’inculture d’un Nicolas Sarkozy pour aller passer la brosse à reluire dans le dos des autorités saoudiennes et proférer que “Dieu n’asservit pas l’homme mais le libère” alors précisément que le wallabisme ne fait sûrement pas partie des courants musulmans modernes qui prônent une exégèse du Coran !

Comme il a une culture autrement riche qu’un Nicolas Sarkozy, je ne ferais pas l’injure à Benoît XVI de penser qu’il n’a pas connaissance des échanges fructueux qui se nouèrent jadis dans l’Espagne - alors sous la domination musulmane - entre les Arabes, les Juifs et les Chrétiens (à qui ils firent découvrir Aristote). Ce que beaucoup considèrent comme un «âge d’or».

Parmi les grandes figures de cet Islam fécond sur le plan intellectuel, je pense notamment (il y en a tant !) à Avicenne et Averroès et, pour les Juifs, l’autorité de Maimonide s’impose d’elle même. Mais aucun d’eux n’a eu, à ma connaissance, la tentation de s’ériger en censeurs dans la vie politique.

Il est quand même formidablement curieux que le plus haut ministre de l’Eglise catholique méconnaisse à ce point la lettre et l’esprit de l’Evangile : “Rendez à Cesar ce qui est à Cesar et à Dieu ce qui est à Dieu”… (Matthieu 22- 21 . Marc 12-13-17 ; Luc 20- 20-26) et également Saint Paul (Romains 13-1-7) qui prône que chacun se soumette aux autorités en charge…

La séparation des deux pouvoirs, politique et religieux, est loin d’être une question neuve ! On la retrouve aussi bien chez Saint Augustin dans la “Cité de Dieu” avec la théorie des “deux cités” que chez le Pape Gélasius Ier (494) avec la théorie des “deux glaives”

Benoît XVI serait bien inspiré de ne pas mettre en avant le «rôle civilisateur» joué en France par l’Eglise, qui «a façonné (ce) pays de manière éclatante durant des siècles» ! Pour qui est un peu versé dans l’Histoire, c’est faire table rase de beaucoup de vilenies commises au nom de l’Eglise : la sanglante répression des cathares, les bûchers de l’Inquisition, ceux qui s’allumèrent quasi sans trêve contre les présumé(e) sorcier(e)s… sans oublier bien évidemment les guerres de religions et les massacres de Wassy et de la Saint-Barthélemy…

Bien entendu Nicolas Sarkozy est proprement ridicule : «Nous assumons nos racines chrétiennes» (…) «Ce serait une folie de nous priver (des religions), tout simplement une faute contre la culture et contre la pensée. C’est pourquoi j’en appelle à une laïcité positive».

Il faudrait en effet que Nicolas Sarkozy ait quelque culture et une pensée élaborée ! La folie serait précisément de laisser la religion – n’importe quelle religion - envahir l’espace public. Les croyants n’ont pas à intervenir dans les grands débats de société en tant que croyants et au nom de leur religion mais uniquement en temps que personnes. On ne leur demande pas de renier leurs convictions mais de ne point les déployer comme un étendard.

Parce que la morale ou l’éthique ne sont nullement l’apanage des religions et qu’au-delà des questions sur lesquelles le plus grand nombre de personnes qui s’en soucient sont relativement unanimes à condamner les dérives : oubli de l’humain dans l’économie, clonage, manipulations génétiques et tri des embryons dans le seul souci eugéniste (sans oublier la maternité à 59 ans !) il est d’autres où, de mon point de vue forcément subjectif, aucun consensus ne saurait être trouvé avec les cathos purs et durs.

Fort curieusement, c’est dans le domaine de la sexualité et de la vie affective qui relèvent au plus haut point des choix personnels et de l’intimité… qu’il s’agisse de la contraception, de l’IVG ou de l’homosexualité. Le Pape pourra lancer autant d’oukazes (pardon : de «bulles» !) qu’il veut… Les non-croyants et même un certain nombre de croyants choisiront la voie qui leur semblera la plus favorable à leur épanouissement et je doute qu’ils pèchent forcément contre la morale !

SOURCES

Libération Kosciusko-Morizet dénonce “l’extrémisme de la laïcité”

20 minutes «Il ne faut pas être extrémiste de la laïcité»

«La laïcité n’a pas besoin d’adjectif pour exister»: levée de boucliers après les déclarations de Sarkozy

Le gouvernement et le Président «doivent être les gardiens de la laïcité»

Benoît XVI et Nicolas Sarkozy sur la même longueur d’ondes sur la laïcité

Nicolas et Benoît, l’union sacrée

Pour les cathos, prier c’est Capitale

Le Monde Nous ne sommes pas tous papistes, par Irène Droit

Accents rétro à la messe de samedi aux Invalides

Je ne me suis pas servie de ce dernier article qui dépassait mon propos. Je le signale cependant car il reflète le retour en arrière en matière de liturgie avec l’abandon de toutes les avancées du Concile Vatican II (1962-1965) que personnellement j’avais vécues comme une sacrée bouffée d’oxygène !


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