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La parfaite création

Par Volodia

J'ai un problème de lieu

les heures s'enfuient

dans la sphère de porcelaine

mon univers dégouline

et je transpire la honte.

J'entends les murmures

des manitous de l'obscur

j'entends la voix

de ma damnation intime

elle rampe en sifflant

s'approche de mon corps

et enlace ma raison;

ce sont les serpents du remords

la conviction du puissant sort

et j'avance à tâtons.

Le ciel est noir il est de plomb.

J'ai des méduses dans mes chaussures

et mes veines crient au secours.

Je fuis en enfer je fais le mort

j'ai de la peine un mal me tord

de haut en bas de bas en haut

la fresque se peint d'elle-même

et je fripe mes ailes –

une oeuvre d'art lorsqu'il est tard.

Dans le corridor du purgatoire

j'éructe ma folie douce

j'ai un goût de verre dans l'âme

et ma gorge s'enroue:

ce sont les carrosses de l'absurde

qui traversent mes membres de rage

ce sont les étendards rouges

portés par les démons de l'âge

qui défilent armés de leurs vouges –

elles taillent dans mes chairs

d'étroites lanières de lumière.

Vingt ans et je ne suis rien.

Sur les dalles mon cadavre

se fait bouffer par les chiens

et des colosses se déploient

ils escortent mon squelette

à l'ossuaire malade de ma haine

qui me consume et qui brûle

de terrible manière.

Dans la cathédrale spectrale

les prêtres se drapent d'interdits

et mes yeux se voilent amers;

j'ai dilapidé les trésors

j'ai gaspillé les cendres

j'ai vendu la morale

j'ai trahi mes amis

j'ai assassiné les signes

j'ai pardonné tous les crimes

j'ai manqué à mon devoir

j'ai défiguré ma face

j'ai ri de chaque farce –

et mes yeux se voilent amers –

c'est mon esprit que l'on enterre

au fond d'une autre crypte.

Une ribambelle de moines en sarabande.

La volonté oubliée se fane

de trop de batailles perdues

les paladins se retirent vaincus

les cyniques placent dans mes mains

une épée en lieu et place de tes seins

et le roi, couronné de tant de régression pure

hurle ivre entre les travées:

"Mon règne ici s'arrête et commence,

Ne tremblez pas en vain, mortels!"

et mes yeux se ferment

et mes yeux se ferment

sur des affiches fades

sur des écrans illuminés

qui clignotent au rythme du va-et-vient

d'un porc qui sodomise

une vierge écartelée

et les enfants au rire abject

applaudissent à l'unisson

devant la plus parfaite

des créations.


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