Magazine Athlétisme

L’UTMB 2008 vécu par Julien Chorier, 3ème

Publié le 17 septembre 2008 par Myactivasport

Julien Chorier avant départ UTMBJulien Chorier, du team Activasport / Lafuma, revient sur sa très belle 3ème place à l’UTMB 2008. Récit : “Ding”, c’est parti. Un petit peu de cohue dans les rues de Chamonix bondées d’un public très enthousiaste. Mais très rapidement, trop rapidement peut-être, le peloton s’étire. On passe devant le radar à la sortie de Chamonix, il indique 15km/h !!! Devant, un groupe d’une dizaine de coureurs s’est détaché. Les sensations sont bonnes, le cardio est un peu haut, mais rien d’inquiétant. Au ravitaillement des Houches je prends une bouteille que me tend Maurizio, l’Italien de l’équipe. Je pars du ravitaillement en compagnie de Vincent Delebarre, Christophe Jacquerot et Elisabeth Hawker. Les choses sérieuses vont bientôt commencer, on va attaquer la première côte jusqu’à la Charme. Elle sera négociée un petit peu trop vite à mon goût…Passage à la Charme à 19h53 (14,90km ; 931 m de D+ ; 9ème). Derrière, j’aborde la descente très prudemment, il serait dommage d’entamer son “capital cuisse” si tôt. L’arrivée dans St Gervais en fête (20h26 ; 21km ; 937m de D+ ; 8ème) est vraiment sympa. A la sortie du ravitaillement j’apprends par Bruno que je suis passé 8ème.

Pour l’instant il n’y pas encore d’écarts, presque tous les favoris sont présents dans les 30 premiers à l’exception de Vincent Delebarre (abandon à Saint-Gervais).

Depuis le départ j’arrive à bien boire et m’alimenter, un peu plus de 0,5 litres/h et un gel toutes les 40 mn.
Le secteur plus roulant jusqu’aux Contamines me convient, je prends beaucoup de plaisir à courir sur cette partie. Je maintiens une allure moyenne proche des 10km/h avec des pulses à 150, tout va bien. Sur cette partie je remonte quelques coureurs. J’arrive aux Contamines (21h25 ; 30,90km ; 1453m de D+ ; 5ème) où m’attend mon assistance pour le premier point de ravitaillement. La foule présente rend le ravitaillement difficile, je stresse, ai du mal à me calmer pour faire le plein en boissons et en nourriture.Je repars en mangeant un morceau de cake.

La nuit est maintenant bien installée, les parties en sous-bois sont agréables, sur cette partie je double Samuel Bonaudo et Nicolas Mermoud.

L’arrivée à La Balme (22h26 ; 38,90km ; 2009m de D+ ; 3ème) marque le début officieux de cet UTMB pour moi, on va rentrer dans le vif du sujet avec le Col du Bonhomme. J’attaque la montée en solitaire. Je profite de ce moment pour adopter une allure un peu plus cool (800m/h pour 145puls/min). Je vois deux frontales revenir sur moi, tant mieux, l’idée d’aborder seul la descente ne m’enchantait pas des masses. Je passerais quand même seul au refuge de la croix du Bonhomme (23h28 ; 44,40km ; 2782m de D+ ; 3ème).

La première descente que je craignais sera négociée vraiment tout en douceur. Scott Jurek me rattrape sur la fin, juste avant l’arrivée aux Chapieux. (00h01 ; 49,80km ; 2782m de D+ ; 4ème).
L’organisation profite de ce ravitaillement pour contrôler nos sacs, tout le matériel obligatoire est présent, je peux rejoindre mon assistance pour faire les niveaux.

On repart avec Scott direction la Ville des Glaciers. On se remémore le passage reconnu ensemble un mois plus tôt. Rapidement Scott déroule sa grande foulée, je m’accroche en montant un peu dans les tours. Faire cette partie derrière lui me fera gagner beaucoup de temps. Seul, je ne pense pas que j’aurais couru tout du long.
Nous traversons la rivière et attaquons la montée en direction du col de la Seigne. Scott a l’air très facile, je ne peux pas suivre son rythme, il prend rapidement quelques longueurs.

La splendide nuit étoilée m’accompagne jusqu’au Col de la Seigne (1h35 ; 60,10km ; 3783m de D+ ; 4ème).

Je suis accueilli par des caméras et un projecteur de 5000 Watts. J’ai compris à ce moment là ce que pouvait ressentir un hérisson quand il croisait une voiture de nuit… Les bénévoles font rapidement stopper les éclairages. Je mets quelques minutes à faire disparaître les étoiles qui clignotent dans mes yeux. Je peux repartir dans la descente en direction du Lac Combal. (2h02 ; 64,60 ; 3783m de D+ 4ème). Je devais retrouver mon assistance à ce ravitaillement. Vu comme le ravito est perdu au milieu de nul part, je ne suis pas vraiment surpris de ne pas les voir. Je fais le plein d’eau et bois unesoupe au vermicelle. Je repars sur la piste en direction de l’arête du Mont Favre. Heureusement que lors de la reco on est passé de jour car le coin est magnifique, y courir de nuit est presque dommage.

La montée passera comme une lettre à la poste (900m/h pour 140 pulses de moyenne) les sensations sont très bonnes, je prends vraiment mon pied sur cet UTMB. De l’arête du Mont Favre (2h45 ;68,60km ; 4248m de D+ ; 4ème) il faut redescendre sur Courmayeur en passant par le Col Chécrouit (3H12 ; 73km ; 4273m de D+ 4ème). Je vous conseille le coin pour une étape, repas, nuit, l’accueil est exceptionnel et la qualité des pâtes est à la hauteur de l’accueil.

L’arrivée sur Courmayeur (3h42 ; 77,50 ; 4273m de D+ ; 4ème) marquera la fin de la deuxième grande descente. Pour l’instant aucune douleur, tous les voyants sont au vert. Je retrouve mon équipe d’assistance de choc qui fait le plein de mes bidons. Je récupère un sachet de pâtes et une tranche de jambon que je mangerai tranquillement en marchant direction Bertone. En parallèle la boissonet les gels passent toujours très bien, je garde le rythme d’un peu plus de 0,5 litres/h et un gel toutes les 40min. Je profite de mon assistance pour changer de montre, le Garmin 305 n’a qu’une dizaine d’heures d’autonomie. Je suis vraiment fan de cette montre, pas pendant la course, je ne m’en suis servi que de montre pour régler mes prises de gels, mais pour analyser les différentes courbes après course, je dois presque y passer autant de temps que sur la course !.

Dans la montée vers Bertone je rattrape Scott qui est arrêté sur le coté (un problème ?) il me dira que tout va bien. On va pouvoir partager un bon bout de chemin ensemble. On arrive ensemble à Bertone (4h46 ; 82,40 ; 5087m de D+). 1h04 pour la montée, je me rappelle mon début de CCC sur les chapeaux de roue l’année précédente, 44min pour le même parcours…

La partie en balcon jusqu’à Bonatti sera vraiment agréable, Scott fait souvent le rythme, on échange peu, on profite de cette ambiance particulière, la montagne de nuit. On passe rapidement au refuge (5h44 ; 89,90 ; 5472m de D+ ; 4ème) avant de se lancer en direction d’Arnuva. Cette descente va faire se réveiller, comme l’an passé, une douleur au releveur du pied droit. Je sais que cette douleur est handicapante mais elle ne m’empêchera pas de finir.

Un petit point au Refuge Bonatti - km 90 (donc mi-course dépassée) : l’Espagnol Kilian Jornet (unjeunot de 20 ans, qui a déjà brillé en ski alpinisme - 1er à la Pierra Menta en mars 2008 avec le Français François Troillet) fait toujours la course en tête et maintient son avance de près d’une demi heure sur Dawa Sherpa. Avec Scott on suit à une petite dizaine de minutes. Derrière nous à environ une demi heure on retrouve un groupe d’Espagnols suivis à 5 mn de Marco Olmo. Ecarts dont je n’ai pas eu connaissance durant la course. D’ailleurs les seuls écarts que j’ai eus sur les coureurs derrière moi m’ont été donnés à Vallorcine. Je me suis contenté de faire ma course en n’écoutant que mes sensations.

J’arrive à Arnuva (6h25 ; 94,20km ; 5568m de D+ ; 4ème) juste derrière Scott. Le jour se lève, j’ai prévu de troquer mon trois-quarts et mon maillot contre un short et un débardeur. La température est fraîche mais il est agréable de se retrouver en tenue plus légère. Je prends aussi quelques pâtes et une tranche de jambon avant de repartir. Quand je repars Scott est déjà loin, je ne le vois que rarement…

J’aime bien cette montée jusqu’au Grand Col Ferret mais je prends mon temps, la route est encore longue. Les 768m de D+ sont gravis en 1H02. Quel bonheur sur les dernières centaines de mètres de courir avec le soleil qui fait son apparition. J’arrive heureux au Grand Col Ferret (7h27 ; 98,80 ; 6336m de D+ ; 4ème) prêt à me lancer dans la longue descente jusqu’à la Peule, puis sur le nouveau sentier jusqu’à la Fouly. Cette nouvelle partie est très agréable, je la trouve moins monotone que l’an passé. Je rattrape Scott juste avant l’entrée dansLa Fouly (8h30 ; 108,10km ; 6366m de D+ ; 3ème), il est tombé et s’est égratigné le genou droit. Il prend un peu plus de temps au ravito.

Vu la facilité qu’il avait précédemment sur les parties roulantes, je pars sans l’attendre, je pense qu’il me rattrapera rapidement. Régulièrement jusqu’à Praz de Fort je me retourne pour essayer d’apercevoir Scott, j’aurais encore bien partagé un petit bout de chemin avec ce grand champion.

La montée sur Champex aura une saveur particulière, normalement je dois retrouver ma famille au ravitaillement. Je monte le cœur léger, un peu perdu dans mes pensées. Ma seule inquiétude est qu’ils aient eu le temps d’arriver. Dans le planning que je leur avais fourni, j’avais prévu un passage vers 11h30 à Champex…

Juste avant le ravitaillement je croise Arnaud qui m’encourage. Arrivée à Champex (10h07 ; 122,80 ; 6899m de D+ ; 3ème) je retrouve mes assistants pour un nième mise à niveau de la boisson et du stock de gels. D’ailleurs depuis la Fouly je ne mange que des gels, je ne sais pas si cela est dû à la chaleur mais j’ai du mal à manger solide. Je fais aussi le 2ème changement de GPS.

A la sortie du ravitaillement, l’émotion m’envahit et les yeux se remplissent d’eau sous les lunettes, je viens de passer devant ma petite famille. A cet instant malgré des releveurs bien douloureux je sais que j’ai réussi ma course, je finirai dans les 24h même s’il faut faire les trois quarts des 40 derniers km en marchant.

Le long du lac je ne suis plus très aérien, mais je trottine jusqu’au pied de Bovine. Dans cette montée je ressens vraiment l’accumulation des km, j’ai l’impression qu’il faut faire un énorme effort pour se hisser sur chaque marche. La chaleur commence à bien être présente. Après coup en analysant les données du GPS je me rends compte que Bovine sera la montée de cet UTMB que je ferais le plus vite (un peu plus de 1000m/h pour des pulses à moins de 120). Après le passage au chalet de Bovine (11h41 ; 132km ; 7603m de D+ ; 3ème), il reste encore une petite grimpette et c’est parti pour une longue descente sur le col de la Forclaz puis sur Trient (12h32 ; 138,20 ; 7677m de D+ ; 3ème). Quel bonheur de retrouver tous ses proches dans ce village fleuri, un petit crochet par le ravitaillement avant de se lancer à l’assaut de l’avant dernière montée. Avec la chaleur je bois un peu plus que prévu, mon litre d’eau doit m’emmener à Vallorcine…

La monté se fera sur un rythme plutôt bon (un peu moins de 900m/h). Dans mon esprit le passage à Catogne (13h36 ; 143km ; 8455m de D+ ; 3ème) marque le début de la dernière descente. La descente sur Chamonix se fera quelque soit mon état, même si j’ai mal. En ne prenant aucun risque, je descends jusqu’à Vallorcine (14h17 ; 148,60 ; 8465m de D+ ; 3ème), d’ailleurs je ne sais pas si je pouvais aller plus vite.Les barrières pour traverser la voie ferrée sont levées, je peux traverser…et rejoindre ma famille et mes assistants pour notre dernier rendez-vous avant l’arrivée. Toute l’équipe Lafuma (en dehors des coureurs encore sur l’UTMB bien sûr) est présente. Sympa de se faire encourager par Renaud (super 2nd de la CCC) Jean-Claude, Lionel, Juan et tous les autres…

La partie Vallorcine - Tête au vent est la plus longue sans ravitaillement, je pars donc avec mes 2 bouteilles sur le sac plus une bouteille à la main.

Je marcherais presque tout du long jusqu’au Col des Montets. On m’annonce aussi une avance de 48 min sur Marco Olmo à Catogne. Je commence à me rendre compte que je peux faire un podium sur l’UTMB, incroyable…Il s’agit de la première fois qu’on m’informe de l’écartsur mes poursuivants, je ne m’en suis jamais soucié, ce qui m’a mis permis de n’avoir aucune pression et de gérer ma course.

Au passage du col je vois ma petite fille (2 ans et demi) m’applaudir en criant « bravo papa ». Son regard si beau, admiratif, me procura beaucoup d’émotions. D’ailleurs, d’y repenser, l’effet est presque le même. Recharger à bloc par ce soutien, j’attaque la montée vers la Tête au Vent avec une énergie que je ne pensais plus avoir…
L’effet de cette recharge émotionnelle tiendra un quart d’heure pendant lequel j’ai vraiment l’impression de bien monter (900m/h pour 122 pulses). La fin sera beaucoup, beaucoup, plus difficile (720m/h pour 114 pulses). Juste avant le point de contrôle de la Tête au Vent (15h54 ; 156km ; 9340m ; 3ème) je croise des amis venus m’encourager, ils ont vraiment dû me trouver dans un sale état…

A la Tête au Vent on m’annonce les écarts sur mes poursuivants : un Japonais serait revenu à 28 min à Vallorcine.Il m’aurait pris 20 mn entre deux points de contrôle, il doit revenir comme un avion et étant informé de son rapprochement sur moi, il doit avoir un moral au top. Pour la première fois de la course je m’inquiète de ma place. Mince, il serait quand même dommage de se faire sortir du podium par un Japonais dans la dernière descente.
La partie en balcon jusqu’à la Flégère me parait longue, lors de la reco, on courrait tout du long. Mais là, avec la fatigue, les appuis ne sont pas assez sûrs pour courir. Une grande partie se fera en marchant. J’arrive quand même à la Flégère (16h21 ; 159,40 ; 9404 ; 3ème).

Je me lance en chute libre sur Chamonix, il faut essayer de se relâcher pour vraiment se lancer dans la descente. Je jette un coup d’œil au GPS, 10km/h, mince je suis à bloc, la descente va être longue…
Le passage à la Floria redonne le sourire, on passe entre un joli chalet fleuri et une terrasse où des randonneurs prennent le temps de boire une bière.A l’entrée de Chamonix, je retrouve mon assistance au bord de la route, Jean-Pierre, Isabelle, Matthieu et Karo m’encouragent une dernière fois. L’émotion commence à m’envahir, heureusement les lunettes cachent les chaudes larmes…

L’arrivée approche, la foule est de plus en plus nombreuse, avant le dernier virage j’aperçois Céline et Anaïs, je prends Anaïs dans mes bras pour finir cette magnifique épopée en sa compagnie. La ligne franchie (17h03 ; 166,40 ; 9404m de D+ ; 3ème), je veux m’allonger pour profiter un peu de l’instant.

L’organisation ne me laisse pas le temps de souffler, un autre marathon commence…

Site internet : www.julienchorrier.com

’éè


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Myactivasport 71 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines