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Aubry-Royal : le match dans le match

Publié le 18 septembre 2008 par Hmoreigne

mvnbmmmk.1221731164.jpgEn attendant de compter ses partisans samedi à Lille dans un grand meeting, Martine Aubry se livre à un art qu’elle maîtrise bien, les petites phrases vachardes. Dernière victime en date, Ségolène Royal, a qui elle voue une inimitié tenace, qui a proposé lundi soir sur TF1 «que chacun mette au Frigidaire les questions de candidature soit au poste de premier secrétaire, soit, pire, à l’élection présidentielle parce qu’il y a encore quelques années à attendre». Entre les deux femmes ça n’a jamais été l’amour fou. A défaut d’être fraîches, les relations sont glaciales.

En mai de cette année, Raphaëlle Bacqué, consacrait dans les colonnes du quotidien Le Monde  un article  au titre évocateur : « Martine Aubry l’anti- Ségolène ». La journaliste décrit entre autres les parcours croisés de deux femmes politiques dont l’une au firmament, ministre emblématique de la gauche va vivre une lente descente jusqu’à ce que Pierre Mauroy lui offre son trône à Lille et, à l’inverse l’ascension surprise de Ségolène Royal. Selon Jean-Christophe Cambadélis, « Martine a le sentiment que sa place a été usurpée par Royal ». Il en naîtra une véritable détestation de la première à l’égard de la seconde.

Martine Aubry a l’ironie facile, un peu trop. Cette aptitude au persiflage avait suscité une colère homérique de Pierre Mauroy, lors d’un bureau national, le 21 mars 2006 - « Elle a dit trop de mal, de trop de monde ! ». Cette tendance naturelle semble toutefois irrépressible.

Lors d’une séance de dédicaces de son livre, «Et si on se retrouvait…», à Strasbourg la Maire de Lille a le coup de patte facile : «à un moment où il faut au contraire donner de la chaleur à notre peuple et aux militants, je ne suis pas sûre que le Frigidaire soit la meilleure solution», Ségolène Royal «n’est plus candidate tout en étant candidate. On ne comprend plus rien, ou on le comprend trop bien», a-t-elle lâché avec délectation.

Dans un PS en déserrance, c’est un peu l’hôpital de Lille qui se moque de la Charité de Poitiers. Ségolène Royal n’a certes pas l’éloquence de Martine Aubry, son intervention sur le plateau de TF1 est apparue maladroite. Le problème de l’ex-candidate socialiste aux présidentielles c’est qu’en terme de prestations oratoires, elle ne semble pas se bonifier. Au contraire. Ce qui lui était pardonné il y a un an sous prétexte de fraîcheur dans le paysage politique apparaît désormais comme un sérieux handicap. Il convient pour autant de distinguer la forme du fond.

Sur ce dernier aspect Ségolène Royal a tapé juste. Elle a reformulé tout haut l’exaspération des militants de base et des sympathisants face à la guerre des chefs. En ce faisant elle a relativisé et déplacé le débat sur le choix du futur premier secrétaire. Il est objectivement assuré que le successeur de François Hollande ne sera pas forcément dans une situation enviable. Absence de majorité claire dans le parti, difficulté à remettre celui-ci au travail après une décennie sabbatique et surtout, à court terme deux échéances électorales très difficiles. Les européennes, avec une forte concurrence sur la gauche du NPA d’Olivier Besancenot et de des Verts de Daniel Cohn-Bendit et, sur la droite, de François Bayrou mais aussi, les régionales qui ne peuvent mathématiquement que se traduire par un recul.

Dans ce contexte, le futur premier secrétaire risque de se trouver essoré, élimé lors du choix du candidat socialiste de 2012. Et puis, à la différence de ses autres concurrents Ségolène Royal bénéficie avec Désirs d’Avenir d’une structure personnelle bien huilée, particulièrement efficace. Elle se trouve donc tout à la fois dans le parti socialiste et en dehors ce qui lui permettra d’afficher une solidarité à la carte avec les décisions de la rue de Solférino.

Et Martine Aubry ? La Maire de Lille malgré son enracinement régional dans la très puissante fédération socialiste du Nord a bien du mal à faire décoller sa candidature. Son plan de campagne a été mis à mal par l’entêtement de Pierre Moscovici à ne pas vouloir s’effacer devant elle. Ses soutiens se font rare et elle n’apparaît pas en capacité de rassembler sur sa personne. Son seul atout réside dans l’ambiguïté de la position de DSK. Souhaitant préserver ses chances d’apparaître comme un recours en 2012, le Directeur du FMI a préféré sacrifier son courant en n’affichant pas clairement son soutien à tel ou tel candidat et en laissant filer une partie des troupes vers Bertrand Delanoë. Du coup Pierre Moscovici et Martine Aubry revendiquent conjointement la bénédiction de DSK. Pas sûr pourtant que samedi l’ancienne ministre du travail reçoive le label officiel tant espéré. DSK a intérêt à laisser les choses continuer à se déliter pour mieux apparaître au moment propice en homme providentiel.

Le rassemblement autour de Martine Aubry est rendu compliqué par le fait qu’elle semble irrésistiblement tirer vers la gauche du parti ce qui semble incompatible avec le courant strauss-khanien qui en constitue l’aile droite. A ce titre, sa petite phrase prononcée samedi à Lomme a suscité bien des interrogations : «Il ne s’agit pas de dire que nous allons accompagner le marché. Nous devons trouver un modèle alternatif au modèle libéral que Nicolas Sarkozy applique en parfait élève de Bush et de Berlusconi».

Une telle position est incontestablement plus proche des partisans de Laurent Fabius. Ce mariage de la carpe et du lapin contraint Martine Aubry, portée plus naturellement vers Bertrand Delanoë, à tenter d’exonérer Laurent Fabius de l’image d’anti-européen qui lui colle à la peau depuis le référendum sur le TCE : «Laurent Fabius a toujours été européen. Mais il trouvait que l’Europe n’était pas assez européenne. Ceux qui ont voté non voulaient une autre Europe et ils ont choisi ce chemin-là. Je pense qu’il vaut mieux être à l’intérieur pour se battre qu’à l’extérieur pour critiquer.»

Impossible de savoir dans ces conditions quel lapin sortira du chapeau du congrès de Reims. Mardi, chacun devrait se contenter de déposer sa motion histoire, de compter ses troupes, d’évaluer les rapports de force et, de prendre à partir de là sa décision sur le fait d’être ou de ne pas être candidat, de nouer des alliances porteuses d’espérances. Surtout de ne pas jouer le mauvais cheval et d’appartenir au clan des minoritaires. 


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