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Pèlerin parmi les ombres (2)

Publié le 19 septembre 2008 par Desiderio

Enfin, Jean s'intéressa à mon allemand. Leif, le médecin norvégien, chef de section, chef du revier, c'est-à-dire du baraquement des malades, ne maîtrise en effet que l'allemand en plus de l'anglais. Bien sûr, tout ce qui est officiel, tout ce qui concerne les maladies, la maladie et la mort est écrit en allemand. Saurais-tu écrire l'allemand ? demande Jean et je réalisai alors que Jean était passé de l'intérêt amical porté à son camarade inconnu connaissant un peu le français au domaine de l'organisation. Et c'est à ce moment-là que se produisit en moi le choc qui explose quelquefois en nous comme un bourgeon au printemps. Maintenant, je ne peux plus me représenter cela ; je n'ai probablement pas non plus pensé au Pr. Kitter qui m'avait empoisonné la vie à Koper par ses appréciations insuffisantes portées au bas de mon devoir d'allemand. Je sais maintenant que j'aurais dû très bien apprendre l'allemand si je n'y avais pas résisté d'instinct : tout mon être, toutes mes cellules et toutes ensemble étaient contre. Mais Jean, je sais écrire l'allemand, dis-je, surtout s'il s'agit de collaborer avec ceux qui essaient de nous sauver du four !

Boris Pahor

Il y avait trois camps différents au Struthof-Natzwiller selon le statut de chaque détenu, et avec beaucoup d'annexes dispersées le long de la chaîne des Vosges pour des prisonniers affectés à des tâches précises pour la voirie ou la maçonnerie (parfois une plaque précise qu'à tel endroit se trouvait un camp, mais on ne la regarde pas quand on passe à côté).Un des trois camps est devenu camp d'extermination en 1943, c'est celui que l'on peut encore visiter en voyant les derniers bâtiments restants dont la chambre à gaz. Le four crématoire ne fonctionnait avant que pour les personnes mortes du fait des traitements (malnutrition, sévices, harcèlement, pendaison pour rébellion). Ce n'était pas au départ un camp dont le four était la seule destinée comme d'autres camps, mais un ensemble un peu confus pour enfermer des gitans, des homosexuels, des résistants, des prisonniers de guerre, des droits communs. Cependant, comme la discipline était fort rude et comme la nourriture était fort rare, on mourait vite, et le four devenait une réalité. Pendant ce temps, des détenus allaient fleurir le jardin du camp principal, par dessus les cendres répandues comme engrais de leurs camarades morts, et que poussent les tomates ou les pivoines !


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